Zhumeurs de décembre

16.12.2017

ON S'EMPAILLE en ce moment par Facebook interposés pour savoir de quelle marque était le gros bicyclindre en V qui, à Daytona vers 1909, a battu des records. Il était installé dans un cadre simple berceau, ordinaire pour l'époque, et le seul indice identitaire qui existe est le nom "Indian" sur son minuscule réservoir. J'ai vu aussi ce qui m'a semblé être la même machine mais siglée "Simplex". Une autre source parle d'un Griffon, ce qui n'a rien d'extraordinaire puisque la marque "Griffon" fut déposée en 1898 par Peugeot. Ce qui dans les trois cas ramène ce moteur au gros 1500 cm3 Peugeot, celui-là même qui le 3 octobre 1904 battait le record du monde (oui, encore !) à 123 km/h aux mains de Vincenzo Lanfranchi sur la route de Dourdan.

Lithographie de Montaut immortalisant l'exploit de Lanfranchi.

Sans doute pour les besoins de la publicité, la machine et son pilote furent amenés après l'épreuve sur la piste du Parc des Princes luisante de pluie. La photo ne semble pas avoir été publiée dans la presse ou dans des catalogues, bien que Peugeot ait annoncé qu'un modèle identique à la bicylindre des records serait proposée aux amateurs de vitesse. Lors de la Journée à Dourdan, une autre Peugeot était confiée à Cissac. On la voit ci-dessous lors des opérations de pesage où elle ne devait pas dépasser 50 kilos (dès que le spectateur à droite eut retiré son pied du plateau...).

APRÈS L'ORIGINAL, la "descendance" ou les copies ou... quoi encore ? Donc la bicylindre, à gauche, qu'un certain Oscar Hedstrom pilota à Daytona en 1909, couvrant le mile en 44'' 3/5 sur une "Simplex" (selon la gazette de l'époque). Dans la même réunion, une "simple" 1000 Indian atteignit 138 km/h, soit 10 km/h de mieux que la "spéciale Peugeot". O. Hedstrom est l'un des fondateurs d'Indian et il s'est dit qu'il avait fait venir une Peugeot de course pour "étude" (Pas un mot là dessus chez Harry Sucher dont l'ouvrage "Iron Redskin" fait autorité sur l'histoire d'Indian). À droite, la Simplex au rapport de transmission éloquent !

La version dite Alcyon (et non Griffon comme écrit plus haut - ma culpa est maxima) est ce qui se rapprocherait le plus de l'Indian, excepté la chaîne de transmission directe sur l'américaine et le cadre plus ramassé (tube avant courbe, moteur reculé) de cette dernière donnant un empattement plus court comme sur la Simplex au-dessus. Le problème avec cette Alcyon est qu'elle n'apparaît nulle part ailleurs que sur cette photo prise à Dourdan et ensuite au Circuit des Ardennes sur une autre photo trop mauvaise pour qu'on puisse en déduire une information fiable (les recherches se poursuivent activement).

Durant plusieurs années, le gros twin Peugeot fera des apparitions épisodiques. C'est ici Ravelli qui le monta à la Côte de Gaillon le 1er octobre 1911 (Photo Gallica - BNF). Giuppone, pilote vedette de Peugeot, en moto comme en automobile, se verra confier son guidon sur circuit de vitesse, mais semble-t-il dans une cylindrée moindre correspondant à une catégorie déterminée.

UN AUTRE MOTEUR PEUGEOT BIEN MOINS CONNU

MARQUÉ "PF" (Peugeot Frères) ce bicylindre ne figure dans aucune nomenclature consacrée à la marque. Il a pourtant été construit à plus d'une douzaine d'exemplaires à l'initiative de la direction du Nouveau Vélodrome d'Hiver (1909) désireuse de fournir un matériel identique aux entraineurs. On les voitci-dessous en 1911 lors de ce qui semble être leur présentation au public

C'est le spécialiste Sicot (à droite, photo précédente) qui a été chargé de la réalisation des parties-cycle destinées à recevoir le moteur fourni par Peugeot. Celui-ci, dont la cylindrée n'est pas précisée, est du type dit "semi-culbuté", avec soupapes latérales à l'admission et commandées par tiges et culbuteurs à l'échappement. Cette technique, popularisée par, entre autres, le M.A.G. suisse, n'apparaîtra jamais au catalogue motocycliste de Peugeot.

Cependant il est possible que les archives de cette vénérable maison recèlent quelques surprises dans ce domaine. Quoiqu'on puisse en douter si l'on s'en tient à ce qui est rendu public sur le site Peugeot accessible à tout internaute au chapitre "historique"...

On y apprend, par exemple que la première moto Peugeot est celle illustrée ci-dessus... que tout le monde a reconnu comme étant une machine "construite" chez Peugeot pour le compte d'Edouard Butikofer, citoyen helvète. Elle figurait à ce titre sur le stand de la marque au Salon de 1898, mais sans plus. L'erreur a été reprise tel quelle d'un ouvrage consacré à Peugeot qui avait publié un peu imprudemment cette information. On comprendra qu'il est difficile de rectifier une erreur dans un ouvrage imprimé, alors qu'il est possible de le faire extrêmement facilement sur le vouèbe...

Un document publicitaire datant du Salon 1898 (ci-dessus et ci-dessous) est parfaitement clair, surtout dans sa deuxième partie au verso...

L'historique du site Peugeot persiste dans l'erreur, par exemple en inversant les illustrations des machines de 1901 et 1903...

1905 donne une nouvelle occasion d'incompétence ou de j'menfichisme avec cette brave monocylindre censée représentée la "première"bicylindre en V. Sans préciser qu'il s'agit d'une première "chez Peugeot" qui a été précédé dans cette voie par les Bruneau, Stimula, Buchet, Magali, Terrot, etc...

... et on n'a pas été chercher du côté des Américains ou des Austro-Hongrois !

Dans toute manifestation qui se veut exemplaire, il y a un final en feu d'artifice. On en a bien un ici et il remarquable... de nullité : "Peugeot a livré 1069 motos à l'armée française" nous dit-on, ce qui est exact mais les machines figurant sur cette carte postale pourtant bien connue sont toutes des F.N. belges !

Maintenant, vous savez pourquoi on vous disait qu'il y a peu de chance qu'on obtienne un jour des éclaircissements sur le gros moteur de stayer marqué "PF"...