LES JEUNES COUCHES n'ont pas idée de la picaresque bataille qui, au milieu du XXe siècle, déchira les amateurs français de jazz sur la question du "vrai" jazz. Les uns en tenaient pour le hot, le New Orleans (traditionnel) des années 10 à 30. Ceux d'en face ne juraient que par le dynamiteur be-bop né aux États-Unis vers 39/40. Le caractère joyeux de l'affaire était plutôt du côté des "boppers", dopés par un remuant Boris Vian, musicien amateur doué, écrivain, poète, pataphysicien, ingénieur et surtout chroniqueur dans le mensuel Jazz Hot, devenu Jazote sous sa plume (oui, on écrivait à la main et à l'encre en ce temps).
"Fais moi mal !.. Johnny !.. Johnny !.. Fais-moi mal !.. Johnny !.. Johnny !... Pas avec les pieds ! Siii !" (Paroles d'une chanson interprétée par Magali Noel sans qu'on sache d'abord que Boris en était l'auteur).
Son humour féroce ciblait les racistes (1), les antisémites et aussi, en vedette abonnée, Hugues Pa(pe)nassié, augure montalbanais du très orthodoxe Hot Club de France. Vian avait inventé deux entités rivales baptisées les raisins moisis, dont il était le champion, les autres étant les figues aigres, rassemblant ceux qui n'aimaient pas le bop. Il ferraillait sans cesse contre les inepties de ceux qui écrivaient et parlaient sur le jazz des deux côtés de l'Atlantique. Il prenait toujours le parti des progressistes du bibope que le chef d'orchestre Tommy Dorsey qualifia un jour de "communistes" de la musique. Dans une Amérique qui avait connu les ravages de la Commission de l'hystérique/alcoolique sénateur McCarthy, l'injure n'était pas innocente...
(1) Il rappelle que lors du concert de Dizzy Gillespie à Pleyel on a entendu un "À TOMBOUCTOU !" et "VA APPRENDRE LE FRANÇAIS, MAL BLANCHI" qui laissent à penser sur les motivations profondes et musicales des antis-bibope...
Relisant les roboratives chroniques de Bison Ravi (anagramme de son nom) rassemblées en volume (Collection 10/18 - 1971), un parallèle m'est venu à l'esprit entre cette bataille et celle qui s'est déroulée presque aux mêmes dates dans le milieu de la compétition motocycliste.
UN BEAU CADEAU (PAS GRATUIT) m'étant venu par Monsieur Delcampe, dealer belge bien connu des amateurs de vieilleries, m'a permis de faire le lien entre jazz et moto. Ce cadeau, c'est trois petites photos, des "contacts" réalisés à partir de négatifs 6 X 6, sans doute un Rolleiflex, vu leur bonne qualité une fois agrandies. Elles ont été prises sur la ligne de départ des trois catégories 125, (pas de catégorie 250), 350 et 500 du G.P. de France disputé à Reims en 1955.
Les 125, 350 et 500 sur la ligne de départ dans ces photos à 75 % des originaux
La Fédération a donc décidé que l'épreuve française de Championnat du monde se disputerait à Reims comme l'année précédente. Ce choix ne semblait pas répondre uniquement à des critères sportifs si l'on en croit la revue Motocycles & Scooters selon laquelle : "Il est vrai que l'A.C. de Champagne (ndlr : l'organisateur) est fort bien introduit auprès de l'A.C.F. et, partant, de la F.F.M." (petit rappel de la situation à l'intention des jeunes couches : la Fédération Française de Motocyclisme est alors sous la tutelle de l'Automobile Club de France). Va donc pour Reims, circuit extrêmement rapide, trop rapide estiment les Anglais. Selon eux, mais ils n'en disent rien, la machine est secondaire car la victoire doit tout au pilote. Ceci, évidemment n'a rien à voir avec la montée en puissance des multicylindres italiens, dont le développement n'a jamais cessé sur la base des motos nées juste avant la guerre (Gilera, Benelli, Bianchi, Guzzi). L'interdiction du compresseur a mis à l'écart - momentanément - les redoutables et bruyantes allemandes de BMW, NSU et DKW. Il est vrai que les pilotes britanniques (Commonwealth compris) restent parmi les meilleurs au monde, ce dont profiteront les constructeurs... italiens. Mais leurs machines accusent leur âge, victimes de choix techniques qui mèneront à une impasse (le mono, la boîte séparée), malgré des prouesses remarquables côté partie-cycle avec le cadre featherbed qui a été sans doute le dessin le plus copié au monde ainsi que la fourche Earles.
LE TOURNANT À REIMS
Beaucoup de monde sur la piste malgré un temps maussade et froid. Un vent fort a fait abandonner les carénages arrière des machines vus aux essais
En l'absence des NSU victorieuse l'année précédente, la catégorie 125 sera l'occasion d'une explication italo-italienne entre M.V. et Mondial dont les machines développent 16 à 17 chevaux. Sur le papier, le favori était Romolo Ferri (l'homme des 200 km/h avec l'œuf Lambretta) sur Mondial double arbre - on n'en voit que sa tête casquée à droite. Largement en tête à quelques tours de la fin, il est lâché par sa transmission primaire, laissant la victoire à la M.V. de Carlo Ubbiali (n° 16) suivi par Luigi Taveri (n°10) sur une autre M.V. Les 125 italiennes sont alors à leur meilleur, réalisant des tours entre 148 km/h et 150 de moyenne (record à 151,861), grâce leurs carénages soigneusement étudiés et un poids plume de 85 kg à vide chez M.V. Les pilotes sont au diapason en taille et volume "jockey". Quelques "privés" sur des machines privées étaient aussi de la fête, mais sans espoir de bonnes places sur un circuit aussi rapide, ce que souligne le classement du 10e et dernier qui a terminé à deux tours du vainqueur...
Aux mains du champion belge Auguste Goffin, la Norton (n°16) sera la seule machine à pouvoir inquiéter un court moment les Guzzi d'usine de Ken Kavanagh (n°2), Dickie Dale (n°4) et Agostini, tout à gauche - ne pas confondre, lui c'est Duilio, pas Giacomo. Après 3 tours sous la pluie, les positions se précisent avec Dale et Kavanagh en tête. Agostini est alors pointé en 13e position, derrière un paquet de privés dont Jacques Collot, la vedette de Clément Garreau, l'importateur français de Norton. Méthodiquement, Agostini remonte tout le monde et prend la place de Kavanagh lorsque celui-ci s'arrête au stand. Les deux Italiens vont alors se faire des politesses en l'absence de tout danger. C'est finalement Agostini qui l'emporte, mais à une moyenne inférieure, 156,529 km/h, à celle des 250 NSU gagnantes à 162,685 en 1954.
"Un coup toi ! Un coup moi !", Dale mène provisoirement devant Agostini.
Tout le monde est bien content de la victoire de la Guzzi, sauf le vainqueur...
Une ligne de 4 cylindres 500 à 100 % italienne, sauf pour les pilotes...
Avec la disparition tragique de Ray Amm à Imola (11 avril 1955), Norton perdait son ultime atout dans les Grands Prix, laissant le champ libre aux 4 cylindres italiennes Gilera et M.V. On attendait beaucoup de l'extraordinaire 8 cylindres Guzzi et c'est sans doute pour elle que de nombreux aficionados avait fait le voyage vers Reims, mais elle n'était pas encore assez au point pour affronter la concurrence. Celle-ci était emmenée en Champagne par les trois Gilera de Reg Armstrong (n°42), Libero Liberati (n°44) et celle du Champion du Monde en titre Geoff Duke , dont la place, tout à gauche, semble vide ou alors coupée par le cadrage. Notre Pierre Monneret national était aussi sur une 4 cylindres Gilera. Le n°38 appartient à une M.V., celle de Carlo Bandirola. Comme il en a l'habitude, Duke part en tête dès le départ tandis que derrière, privés et pilotes d'usine vont se bagarrer pendant encore quelques tours. Monneret arrive bientôt à la hauteur de Bandirola avec qui il va s'empailler pour la troisième place, puis pour la deuxième contre Liberati lorsque Bandirola disparaît. Le jeune Français arrive à prendre une centaine de mètres à l'Italien lorsque sa chaîne se brise à quelques tours de la fin !
L'ÉPREUVE DE REIMS va inciter (obliger ?) par l'absurde la Fédé à revoir ses idées sur la compétition en France. Ce sera fait dès l'année suivante avec le choix du circuit de Clermont-Ferrand (dit Charade) qui ravira spectateurs et acteurs pour la décennie suivante, avec un bref passage à Pau.
La GUZZI V8, cadeau bonux du Zhumoriste
Sur la 4 cylindres on trouvait une alimentation par injection alors que sur la "otto" elle se fait par de classiques Dell'Orto (comptez bien, il y en a 8). Le trop petit volume des chambres de combustion ne permettait pas un dosage précis avait estimé Carcano. Avec "seulement" deux soupapes, ce double arbre de 75 chevaux - à la roue arrière - aurait pu donner bien du souci à ses concurrents. Le palonnier de commande des carbus est actionné par un simple câble, ici absent, fixé en bout du levier plat courbe et vertical le long du couvercle des pignons de distribution.
Ceci n'est pas une pub... Ceci n'est pas une pub... Ceci n'est pas u..
Non, c'est simplement la réponse de Gilles D... à la nouvelle décision de sa mairie d'obliger les usagers des transports individuels à arborer sur leur véhicule une vignette (gratuite pour l'instant, mais parions que ça ne va pas durer), vignette dite "Crit'air" (mis où vont-ils chercher tout çà ?). Citoyen discipliné et obéissant, Gilles s'est
mis dans les frais en s'offrant une bouteille de cette liqueur pétillante bien connue pour en récupérer l'image qu'il a collée sous le pare-brise de sa BX. Laquelle, bien que hors d'âge, a passé le Contrôle technique doigts dans le nez avec ses 230 000 kilomètres.
Sans oublier notre petit coucou à nos amis attentifs de Facebook...
Le jeu de "La main chaude" a donné à de nombreux artistes le sujet de maints tableaux, esquisses, dessins à travers les âges. Ce jeu se joue à plusieurs, au moins 5 personnes, mais Laverda semble le préférer en une version... solitaire.