Des retrouvailles de rêve sur le béton: c’est ce que proposait le dernier Vintage Revival de Montlhéry. Jugez du peu par une sélection parmi des dizaines de machines : une New-Imperial avec le JAP double-arbre qui gagna la première course de motos disputée sur l'anneau, pilotée par Bert Le Vack (Anglais, malgré son nom). Elle venait du musée de Hockenheim en compagnie d’un monstre de records, la 1000 OEC à compresseur de J. S. Wright et à la si curieuse direction « duplex ». Cette OEC avait fait ses essais de mise au point sur l’anneau avant d’aller à Arpajon le 24 août 1930 tenter de battre le record de vitesse pure. Avec 216,475 km/h, Wright son pilote signait le record sur le kilomètre lancé mais il échouait à 12/100è de seconde du record de vitesse pure détenu par la BMW de Henne SUR LE MILE avec 216,746 km/h. Le duel anglo-germain ne faisait que commencer. D'aucuns avaient vu tomber le record lors d'un second essai de Wright, mais il semble qu'il y ait eu comme un cafouillage du côté des chronométreurs. Finalement, Wright s'en tint là car la canalisation en caoutchouc vulcanisé alimentant le compresseur de son gros JAP s'était "liquéfiée" (sic) selon la presse de l'époque. Et c'est en remorque derrière une voiture que l'Anglais sur sa machine revint très flegmatiquement à son hôtel !
Du genre teigneux, Wright se remet en selle le 31 août, toujours à Arpajon. Cette fois est la bonne : 220,995 km/h sur le kilomètre lancé et 218,617 sur le mile. Sur les deux distances magiques, l'une pour les Européens, l'autre pour les Britanniques, Henne est enfin battu, pendant quelques temps...
Wright à Montlhéry avec l'OEC qui a l'air de laisser perplexes les spectateurs français. Il faut admettre que sa géométrie avait de quoi intriguer. L'homme à la culotte de cheval n'est pas moins pittoresque...
Cette majestueuse mécanique OEC venue du musée d'Hockenheim méritait bien un podium à elle seule.
Suivant de près les tentatives de BMW qui travaille de plus en plus sur l'aérodynamique de sa 750 de records (réciproquement, Henne était présent à Arpajon), Claude Temple, maître d'œuvre de la préparation de l'OEC de Wright, se lance à son tour dans un début de carénage assez rudimentaire (ci-dessus).
Ci-contre, un dessin Moto Revue pour détailler l'OEC première version d'août 1930. Le 1000 Jap est abondamment lubrifié par deux pompes à huile, l'une entraînée en bout de vilebrequin, l'autre par la magnéto. Une troisième est montée en bout d'axe du compresseur (voir aussi sur la photo-couleur ci-dessus). Commande des vitesses par levier à main. Si la fourche brevetée OEC est plutôt sophistiquée avec ses amortisseurs-compas à friction, le cadre reste à arrière rigide.
À côté des nombreuses Koehler-Escoffier bicylindres en V de son inépuisable musée, Jean-Luc Gaignard, exposait de quoi épater les foules (et il y a de quoi) avec sa stupéfiante 5 cylindres qui prend forme d’année en année. Et maintenant son moteur tourne, enfin il fonctionne car ce n'est tout de même pas un rotatif. Quoique avec ce diable de J.-L. Gaignard on peut s'attendre à n'importe quelle surprise de sa part !
Les 11 et 12 octobre 1924, Bert Le Vack venait à Montlhéry avec deux machines à moteurs JAP double ACT en 250 et en 350. C'était pour l'inauguration de la première course de motos organisée par le Motocycle Club de France. Sans mal, Le Vack laminait l'opposition avec sa New-Imperial qui, pour l'occasion était devenue une D'Yrsan. Outre-Manche, il était courant qu'un pilote passe d'une marque à l'autre selon ce que chacune offrait pour telle ou telle course. D'Yrsan suivait donc cette pratique dont les résultats étaient source de retombées publicitaires. En Angleterre, Le Vack courait sous les marques Zenith, Coventry-Eagle ou New-Imperial. C'est sous ce dernier nom que cette double arbre est entrée dans l'histoire.
Avec la 350, Le Vack a abattu les 200 km de l'épreuve à 128,658 de moyenne.
Bien que trouée de partout, l’Indian 8 soupapes de Kees Koster, un franco-batave passionné de motos anciennes pète le feu… Littéralement car à plein régime, des flammes s’échappent des tubes d’échappement, ça c’est normal, mais aussi des lumières en bas des cylindres et … en haut de ceux-ci ! Incrédule, j’ai glissé un tournevis dans les gros trous qu’on voit sur la photo (ci-dessous) et on peut vraiment titiller la queue des soupapes d’échappement. Autrement dit, c'est un moteur qui respire. Tellement que la première fois qu'il a roulé sérieusement Kees s’est brûlé l'intérieur de la cuisse ! Pas de suspension à l'avant ni à l'arrière, pas de frein : l'Indian est taillée exclusivement pour la piste !
Véritable feuilleton que l'aventure de cette machine à moteur JAP 1000 KTOR suralimenté. Née Zenith à la fin des années 20 en Grande-Bretagne, elle se retrouva en Argentine une décennie plus tard où Roberto Sigrand aurait établi des records à son guidon. Ce pilote était le fils de Camille Sigrand, fondateur avec Debladis de la marque française Debladis & Sigrand qui, à partir de 1919 sera d'abord spécialisé dans le commerce des Harley-Davidson des surplus militaires. Elle deviendra par la suite simplement D.S. (puis D.S. Malterre beaucoup plus tard), produisant des machines à moteur monocylindre qui utilise des pièces Indian. Curieusement, au moment où Roberto Sigrand se livrait à ses tentatives de record Outre-Atlantique, un coureur en France a préparé une 1000 avec un JAP culbuté installé dans une partie-cycle Harley. La fourche était également d'origine Harley remplaçant une parallélogramme classique.
En 1938, une moto française battait quatre records de 50 kms à 1 heure (115 de moyenne) sur l’anneau : c’tait une 125 Nougier, l’un des joyaux aujourd’hui de l’Écurie du même nom et qui, 73 ans plus tard, retrouvait la piste de ses exploits avec deux autres Nougier.
Si un jour je ne suis plus capable de tenir en équilibre sur seulement deux roues, j'en veux un comme ça !
Alessandro Anzani fut longtemps le spécialiste des gros moteurs pour machines d'entraînement de cyclistes sur pistes de vélodrome avec des mécaniques qui évoluèrent peu (à gauche). La concurrence naissante appliqua des solutions un peu plus modernes (un Meyer à gauche) mais dans des parties-cycle toujours assez traditionnelles car chaque entraîneur voulait les adapter à ses goûts et à sa morphologie.
Toujours avide d'approfondir ses connaissances mécaniques, Paul d'Orléans (barbu) se devait d'interviewer Aude de Roussy de Sales qui roulait sur 350 Velocette. Cette machine est une KTT MK VII que le grand père d'Aude, Roger Loyer, mena à la 9è place du TT Junior de 1938. Il fut l'un des rares pilotes français de son époque à disputer la célèbre et redoutable épreuve.
Pour ces trois malheureux la journée va se conclure par une séance de mécanique, mais il est probable qu'ils étaient présents à la manche suivante, au pire à la prochaine édition de ce Vintage Revival.
En flânant à travers des dizaines de Bugatti, des cyclecars Morgan et Violet, des Delahaye, Bentley, Jaguar, Renault Alpine, etc… (ce Revival, c’est quand même des voitures, beaucoup) j’ai flashé sur un Stella minuscule monté par un pilote perpétuant le souvenir de l'Entonnoir Masqué, alias Jacques Potherat dont l'esprit doit encore planer sur Montlhéry. Le Stella est un cyclo pliant construit à Nantes et motorisé par un 50 Sachs à soufflerie. Idéal pour circuler autour des circuits sans se tordre les pieds. Baste ! de retour devant mon Mac, j’ai cliqué par ci par là et suis tombé sur une note de Jean-Jacques Cholot (Caradisiac) qui en avait vu un à la bourse du Bourget. À côté d’un Solex Micron à 2500 €, une Stella affichait un royal 3500 €. Qui sait si les deux ont été vendus ?
Voilà, c’était un week-end à Montlhéry comme on n’en avait pas connu depuis… depuis longtemps.
Mille mercis à MM. Chamon et Poulain, vaillants organisateurs !