Un frisson a parcouru la salle bourrée à craquer d’un public formé de plus de curieux que d’amateurs prêts à faire cramer leur carte bleue. J’ai même cru entendre un applaudissement timide ou deux lorsque le premier lot de la vente a atteint 15 000 euros. Pas mal pour un side Zündapp KS 750 paraissant complet sinon sain. C’est que, sauf exception représentée par le chopper 1200 C de BMW, machine donc récente, tous les lots de cette vente portaient les stigmates de machines en voie d’épavisation à des degrés divers. Vu à cinq mètres, un side Steib pouvait faire illusion sauf qu’à un mètre on découvrait sur son flanc une découpe ressoudée plutôt mal que bien. Tel moteur de BMW R75 n’avait qu’un seul cylindre, donc toujours flat mais pas twin. Un examen plus attentif révélait des pattes boulonnées ou soudées au petit bonheur, des Serflex ficelant des câbles, des « accessoires » dont on cherchait l’utilité, bref du vrai bric-à-brac. Dans mon enfance, d’un gamin qui cassait ses jouets les plus solides, on disait « qu’il gâterait un tank ». Le défunt propriétaire de toutes ces machines amassées durant des années et laissées à la merci des intempéries devait être de cette famille.
Après un départ en fanfare, la suite de ces enchères promettait d’être épique. Elle fut plus calme mais surprenante autour de certains lots. Résumé de ces heures à propos d’une vente comme on n’en verra pas de semblable avant longtemps.La Zündapp KS 750 et ses (trop) nombreux accessoires qui a ouvert la séance : 15 000 euros. Vu leurs différences de couleurs, on suppose que la moto a fait campagne en Europe alors que le sidecar a connu la Russie ou l'Afrique du Nord avec Rommel. Un tuyau, si vous en voulez une belle refaite à neuf, il en traîne une sur le Net : 50 000 euros ! Le vendeur précise "Curieux s'abstenir ainsi que les faibles pécuniairement", on n'est pas plus clair...
Surchargée d'équipements disparates, la Gnome-Rhône 800 AX2 n'était mobile que sur une plate-forme à roulettes. La faute en revient à sa fourche aux biellettes cassées. Verdict : 8500 euros.
Camouflage qui semble sorti d'une soirée d'Halloween sur cette malheureuse 750 Gnome-Rhône XA affligée d'un pare-brise sur sa caisse de sidecar type Dragons portés (6000 €), ci-dessous. Ses deux carburateurs sont des Dell'Orto alors que d'origine la XA n'a qu'un seul carburateur. Passons sur l'incongru "Panzer 1940" peint sur la caisse, mais quel cynique esprit tordu a pu avoir l'idée de l'inscription "Arbeit adelt" (Le travail anoblit), ignoble allusion à celle qui surplombait l'entrée des camps nazis d'extermination comme Dachau ou Auschwitz : "Arbeit macht Frei" (Le travail rend libre)...
La 1200 chopper n'était déjà pas une réussite sur le plan esthétique, mais celle-ci est carrément massacrée (2800 €). On y retrouve la trace des obsessions de son propriétaire. L'espèce de bouclier à l'avant du sidecar est la partie supérieure découpée d'un fût de carburant avec les inscriptions "magiques" : Wehrmacht et 1944.
Contrairement à ce que j'ai cru et écrit dans la présentation de cette vente (voir Stalingrad : le retour) l'entraînement de la roue avant de cette BMW R75, s'il est bien hydraulique ne prend pas son mouvement de la roue du side. C'est une pompe avec moteur électrique fixée sur le marche-pied de celui-ci qui effectue ce travail, via une roue à aubes (?) ou plutôt des engrenages. En effet, deux gros graisseurs ornent ce qui fut le tambour de frein d'origine et qui peut maintenant contenir une couronne de grand diamètre. Si son nouveau possesseur a l'audace de mettre le nez dans ce mécanisme, on aimerait bien qu'il nous fasse profiter de sa
science. Toute autre explication est bienvenue et ce blog accueillera volontiers quiconque se sent qualifié pour nous éclairer. Cependant il faut noter que l'innovation ne paie pas et cette machine n'a pas dépassé les 12000 euros.
Les enchères, c'est comme à la Bourse : les vraies valeurs gardent une bonne cote et les Zündapp en particulier, peut-être à cause d'une certaine sophistication technique : fourche originale et châssis de sidecar signé Zündapp et non Steib comme sur la rivale BMW R75. Ainsi de cet attelage Zündapp KS 750 qui a atteint 14 000 euros malgré une caisse pour le moins fantaisiste. Ce qui en fait une camping-bike ma foi fort présentable. Ou encore une niche à chien. À chien de berger. Allemand, de préférence...
Les spécialistes débattent depuis plus d'un demi-siècle afin de déterminer si cette petite remorque était prévue pour être attelée derrière un sidecar militaire BMW/Zündapp ou, exclusivement derrière une Kettenkradrad, la fameuse moto-chenille qui, comme on sait n'a rien d'une moto à part la roue avant et un guidon. Pas d'état d'âme pour l'amateur qui l'a acquise contre 2300 euros, soit 500 euros de moins que la 1200 C... Il est vrai que cette remorque n'a pas trop été "personnalisée" comme les autres véhicules et c'est sans doute ce qui a justifié son prix. Auquel il faut ajouter, comme sur chaque autre lot, 14,35 % de frais de vente.
Avec 15 000 euros, cet attelage Steib BMW R75 à atteint le même prix que la Zündapp qui a ouvert la vente. Les tubes noirs autour de la fourche se rabattent vers l'avant à l'horizontale et devaient être utilisés pour déplacer l'ensemble accroché derrière une voiture ou un autre side.
Partie à 1500 euros
c'est (à gauche) l'OVNI de ces enchères : une R50 équipée d'un réservoir et d'une fourche de Harley-Davidson Heritage avec un guidon et un levier de frein avant de même origine. Cette profusion de chromes au milieu de sobres teintes militaires faisait presque mal aux yeux. Son sidecar est un classique Steib avec châssis idem. À droite, sur ce phare, un accessoire témoignant toujours du goût spécial du propriétaire... À l'arrière-plan, un insolite insigne des Arts & Métiers (?).
La machine la plus "normale" de toutes était cette BMW 750 R12 paraissant en bon état sous des oripeaux de cuir durci au froid d'un quelconque Rallye des Éléphants. Le Steib à carrosserie Obus n'était pas mal non plus bien qu'orphelin de son siège avec dossier. Il a dû contribuer pour une bonne part à l'enchère gagnante : 9 500 euros. Cette Zündapp KS 750 amputée de la caisse de side permet de voir un châssis construit par Zündapp. C'est un modèle plus recherché car la suspension de sa caisse est assurée par de "nobles" barres de torsion au lieu des ressorts à lames du Steib d'origine monté sur les BMW. Jugées trop onéreuses par les autorités militaires, les barres de torsion feront ensuite place aux ressorts à lames comme chez le constructeur rival. Adjugée à 12 000 €
Presque équivalente à la BMW R12, la Zündapp K600 est une latérales sans prestige guerrier, bien qu'utilisée par l'armée allemande comme toutes les motos que le pays produisait. 6000 €.
La vente des motos se poursuivait par celle de divers objets dont beaucoup en lot. Ainsi, 6 ou 7 boîtes de vitesses et carters-moteur de BMW R 75 présentés sur palette sont partis sur une coquette enchère de 7000 euros. Assez surprenant - pour le néophyte - un pied-support de mitrailleuse MG 42 a fait 1100 euros. Là, faut-il le préciser, on entre dans un domaine très, très éloigné de celui de la moto...
Instant de détente pour l'Étude Kahn-Dumousset avant de déclencher "le feu des enchères" dont tous les résultats sont publiés sur leur site