"bonsoir, je suis surpris de voir ma moto majestic sur le net alors que je ne vous ai pas donné l'autorisation de la publier; débrouillez vous pour l'enlever sinon je vous poursuis devant un tribunal
cdt"
Ceci est le texte d'un mail que j'ai reçu le 31 juillet. Il concerne la photo d'une machine publiée dans l'article sur le Vintage Revival de Montlhéry, article du 23 avril 2013.
Dans toute ma carrière qui a débuté il y a... un certain temps, c'est la deuxième fois que je reçois ce genre d'injonction comminatoire, voire menaçante malgré le "cdt" final dont j'ai appris par la même occasion que dans le langage SMS il signifiait "cordialement" (Ha ! Ha !). La première fois, c'était, encore pour une photo prise lors du Bol d'Or Classique que je "reportais" dans MR Classic. Photo banale de la machine d'un visiteur campant à l'intérieur du circuit. J'attends encore le grincheux qui m'a promis les galères - au minimum - si je ne lui donnais pas un p'tit qu'èque chose en dédommagement...
L'homme à la Majestic n'étant pas vénal, il m'offre cependant l'occasion d'une MISE AU POINT qui pourrait servir à l'avenir aux malgracieux qui seraient tentés de m'assigner pour un motif semblable. Avant d'agiter un tribunal, voici quelques éléments à bien étudier et retenir.
Il y a déjà une dizaine d'années, les associations de photographes français se sont émues de menaces sur leur travail. Au motif que des propriétaires de lieux tels la place d'une ville, un monument, un site pittoresque, une maison originale, etc, prétendaient leur interdire d'en prendre une photo destinée à être ensuite utilisée au gré du photographe (carte postale, illustration de livre, publicité, etc). L'affaire prit de l'ampleur et les journaux s'en firent largement l'écho, intéressés qu'ils étaient eux aussi puisqu'ils utilisent des photos d'actualité, parfois situées, donc reconnaissables.
Le litige culmina en 1999 avec ce qui allait devenir "L'Affaire du Pariou". Ce célèbre volcan d'Auvergne appartient à plusieurs propriétaires qui assignèrent le photographe, son agence et les Ets Géant-Casino pour une photo aérienne du volcan utilisée dans une campagne publicitaire (sur panneaux d'affichage) de cette chaîne de magasins.
Le 23 janvier 2002, le Tribunal de Clermont-Ferrand a débouté de leur action en justice 6 associations de propriétaires du Pariou, volcan auvergnat. Dans ses attendus, le tribunal explique (journal Le Monde du 25 janvier 2002) : "Le droit de propriété d'un bien meuble ou immeuble exposé à la vue de tous n'emporte pas en lui-même pour son titulaire le droit de s'opposer à l'exploitation commerciale de l'image de ce bien obtenue sans fraude si l'exploitation qui en est faite ne porte pas un trouble certain au droit d'usage et de jouissance du propriétaire". Le journal poursuivait : cette décision reprend des arguments avancés par le Tribunal de grande instance de Paris dans un jugement du 8 octobre 2001. Le propriétaire de la tour de Bonneville à Villeneuve-sur-Yonne (Yonne) poursuivait un éditeur qui commercialisait une carte postale représentant le site. Le tribunal a affirmé que dès lors qu'un bien "est exposé à la vue de tous", un propriétaire "ne peut s'opposer à l'exploitation commerciale de ce bien", sauf si cette exploitation est "abusive et préjudiciable".
À la suite de "l"affaire du Pariou", de nombreux particuliers sont allés devant les tribunaux, défendant leur maison, un ilot breton, un immeuble, un jardin, leur chien (!), figurant sur une photo, un journal, une carte postale. Tous ont été déboutés. L'un d'eux était Buren dont les colonnes tronquées et bariolées sont visibles sur une carte postale d'une place de Lyon.
Portée devant la Cour d' Appel puis au plus haut niveau de la justice française, c'est à dire la Cour de Cassation, celle-ci rendait son arrêt le 7 mai 2004, dans l’affaire le Puy de Pariou : la Cour de Cassation en assemblée plénière a confirmé le fait que l’image d’un bien n’est plus un droit exclusif du propriétaire. Le droit à l’image ne peut être invoqué qu’à la condition que le propriétaire du bien prouve qu’il subit un préjudice.
En résumé : 1 / Le Vintage Revival Montlhéry est une manifestation ouverte au public où motos et voitures sont "exposées à la vue de tous" (de même, il ne faut pas l'oublier, que spectateurs et participants). 2 / Un blog étant gratuit (du moins le mien), il n'y a pas d'exploitation commerciale de l'image concernée. Encore moins d'abus et de préjudice. À bon entendeur...
LA SOLUTION ?
P.S. : J'ai malgré tout décidé de retirer la photo de la Majestic afin de ne pas nuire à l'organisation du Vintage dans ses relations et en plein accord avec son représentant.