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MOTOBÉCANE & TRIAL : les grands ancêtres (1)

Le Moto Club Bellifontain en 1951 a frappé les trois coups du lever de rideau sur le trial en France, mais le virus s'est vite propagé vers le nord en périphérie parisienne. Les noms de Buc, Fausses-Reposes, Clamart, Saint-Cucufa et autres, Bièvres ou Chaville vont apparaître dans les nouvelles rubriques des journaux spécialisés Motocycles, Moto Revue et aussi dans L'Équipe. Les épreuves se multiplient tandis que les amateurs attirés par ce nouveau sport se lancent à l'aventure. Dans tous les sens du terme, cette aventure, que ce soit par leur qualités physiques ou leurs moyens matériels. La France est pauvre en motos, donc pauvre en motos de trial. On va donc voir de tout au départ de ces trials des débuts : des cylomoteurs, des machines de cross, de speedway ou de moto-ball, des BMW sidecars Russie, des sides René-Gillet, des Harley-Davidson WLA, des scooters, et même des Cemec 750 aux mains de courageux policiers de la Sûreté Nationale. Certaines sont modifiées (pas les Cemec !) avec plus ou moins de bonheur. Cependant des amateurs mieux avisés commencent à réfléchir plus posément. L'un d'eux est Claude Delauné qui tient boutique dans le XVème à Paris avec son père, à l'enseigne de Delauné-Motos, spécialisé dans les Motoconfort. Il a le matériel sous la main, il le connaît bien, deux atouts qui vont faire de lui l'exemple à suivre pour des dizaines de trialistes en herbe. De l'herbe, ils n'en voient guère dans leurs escapades du dimanche par un temps générateur de pluies qui transforment la moindre ornière en une mare de boue, le moindre ruisseau en petit torrent. Bien évidemment c'est là que sont tracées les zones "non-stop", délimitées par des piquets et banderoles qu'il ne faut pas toucher d'un souffle sous peine de pénalité.

 1954-Clamart-grande-montee269.jpg1954. La "Grande montée" en lisière des bois de Clamart et Meudon : un filet d'eau, de la terre grasse, de la caillasse assaisonnée de feuilles de châtaigniers bien glissantes. J'y fus au guidon d'un 125 Peugeot (vitesses à main), en première et les pieds traînant par terre, c'était faisable... en plusieurs étapes ! Coïncidence troublante, de même que le circuit dit de Montlhéry se trouve sur le territoire de Linas, le trial de Clamart se déroulait entièrement dans les bois de Meudon. 

1953 Tilliet271

Au trial de Buc en 1953, sur une 175 très proche de la série (phare avec son verre, leviers au guidon soudés, réservoir à bandeaux chromés), Tilliet se classe deuxième derrière Delauné. Les deux hommes couraient aussi en vitesse ou endurance (Bol d'Or), mais Delauné se consacrera plus spécialement au trial dans les années suivantes, jusqu'à sa disparition prématurée. 

1954 Tobec 7 Monneroux277

Jean-Claude Monneroux qui travaillait avec Delauné ne pouvait pas rouler sur autre chose qu'une 175 Tobec, ce qui fait qu'à gabarits égaux, on les prenait souvent l'un pour l'autre. Comme le pilote, le public n'a pas craint de se mouiller les pieds. L'horizon trahit la proximité de la ville.

1953 Delauné268

Les premières modifications de la machine de Delauné (1951-52) portaient sur l'étanchéité de l'allumage, suppression du carter de chaîne, surélévation de la selle par la pose d'un tan-sad simplifié, mais les commandes au pied restent standard. Sur le moteur, le plus visible est la culasse à ailettes rapportées, une transformation venue de la vitesse. La suspension arrière est encore une coulissante.

1954 Delaune oscil293

Beaucoup plus radicale, la 175 de Delauné pour la saison 1952-53 s'éloigne nettement de l'origine. La partie-cycle réalisée par Delauné Père reçoit une oscillante arrière avec des éléments Grazzini. Le même spécialiste fournit la fourche téléscopique qui est une vraie hydraulique. Cette machine courait en catégorie "Tourisme" définie par le profil des pneus moins "sculptés" que ceux utilisés en catégorie "Cross". (photo de la revue Motocycles faite à l'intérieur du magasin Delauné-Motos).

1953 Delauné Fausses Reposes

Novembre 1953 dans les bois de Fausses-ReposesClaude Delauné, exempté pour l'occasion de service militaire (!), remporte la victoire avec 0 point de pénalité. Il devançait quatre autres pilotes, eux aussi sans pénalités, mais moins rapides que lui dans les zones non-stop chronométrées.

1955 Tobec Certain gauche 279

La Motobécane de Pierre Certain, préservée jusqu'à nos jours, est une 175 Type Z 24 C, du moins pour la base, qui a perdu sa coulissante arrière pour une oscillante plus souple et d'un plus grand débattement. La fourche d'origine a été allégée de ses caches en tôle et le petit réservoir emprunté à une Monet-Goyon a été consciencieusement bosselé des deux côtés pour augmenter l'angle de braquage. La dimension de la couronne arrière définit la destination de l'engin. 

Sélecteur Certain BON 281 copie

Les Motobécane ont les vitesses "en ligne", c'est à dire que lorsqu'on rétrograde on a 4, 3, 2, 1 et point mort, ce qui fait que sans le vouloir on peut se retrouver en roue libre. Pierre Certain vous livre la parade qui se pratiquait à l'époque. Sur la grille de sélection, il faut faire sauter cette dent (flêche en bas) et créer une encoche (flêche en haut) pour créer un point mort entre seconde et première.  

1955 Tobec Certain droit280

Le moteur est muni d'un piston de Motobécane Z 22 C plus bombé et les soupapes plus grandes proviennent d'une 2 CV Citroën. Roue de 19 à l'arrière et de 21 à l'avant afin d'augmenter la garde au sol. Phare et plaque d'immatriculation : on roulait pour aller participer à un trial... et pour en revenir ! 

1953 Tobec 49275

Comme au théatre, les spectateurs sont alignés sur un pont et assistent à la traversée d'un gué, mais c'est le pilote qui est dans la "baignoire" (J.-C. Monneroux, à Clamart).

Delauné St Cucufa273

Devenu international, le trial de Saint-Cucufa attira des pilotes anglais comme ici Nicholson (?) qui suit attentivement les évolutions d'un Motobécaniste. Grand pilote de moto-cross, Jacques Charrier fut avec sa femme la cheville ouvrière de cette épreuve organisée par l'Amicale Motocycliste de Saint-Cloud. Anglophile convaincu, il avait aussi établi des liens avec des motocyclistes américains du SHAPE (Supreme Headquarters Allied Powers in Europe = QG de l'OTAN) installés à Rocquencourt. C'est ainsi que certains GI's audacieux se retrouvèrent parfois dans des trials de Seine-et-Oise engagés sur leurs machines personnelles, en général des Triumph 650 Thunderbird, raides de neuf et avec tout leur accastillage...

1956 TRial circuit265

Le Country-Club est toujours en place avec son immense terrain de golf qui semble avoir absorbé aussi le domaine du collège St-Nicolas si l'on en juge par ce qui apparaît sur Google Earth. Le Bois de St-Cucufa a été préservé (environnement oblige...) avec son étang. C'est ce souci exacerbé de préservation galopante allié à l'urbanisation qui a fini par chasser le trial de la région parisienne. Exilé d'abord vers des provinces, il finit parfois par être cantonné sur des terrains privés et... clôturés, quand ce n'est pas dans une salle de sport (suivez mon regard). La négation même du trial !

1958 350 twin283

En 1958, Claude Delauné entreprit de "trialiser" une 350 bicylindre Motobécane L 4C, en commençant par l'amputer de sa coulissante arrière. Mais elle ne répondit pas vraiment à ce qu'il en attendait....

1958 350 twin 2284

... alors il l'attela pour participer au side-trial, un peu pour rire comme ici dans le parc des coureurs à Clamart en 1963. On remarquera le "pillion-seat" sur le garde-boue du side, lequel pillion n'est en rien un cale-cul ou un botte-cul comme je l'ai lu ailleurs sous la plume de quelque "jeune couche" en panne de vocabulaire ! Nota benêt : on peut traduire tout simplement par "coussin de selle" puisque c'était un siège d'appoint que l'on fixait sur le garde-boue derrière une selle solo afin de pouvoir accueillir un passager... provisoire.

1963 Clamart 17-2 Tobec sid

Pour les citadins réfractaires aux beautés de la nature par temps d'hiver, le Moto Club Châtillonnais, organisateur de Clamart sous la présidence de M. Cantalice, avait créé une zone non-stop (ci-dessus) toute proche du départ situé alors sur la place de la mairie de Clamart. Le tracé d'une route importante (Petit-Clamart vers Sèvres) devait chasser ensuite cette attraction plus loin de la mairie.

1958 Couv' MR

1958 : la spéciale de Delauné n'a cessé d'évoluer et Moto Revue consacre plusieurs pages à celle qui concourt en "Experts" (ci-dessus) ainsi qu'à une autre plus "Tourisme". Après plusieurs tentatives à partir de la fourche d'origine, c'est une télescopique Dot qui a été choisie (Delauné-Motos est représentant de Dot). La roue avant est de même origine. Le cadre "maison" est un double-berceau très entretoisé.Le moteur est du type sans pompe à huile (graissage par barbotage) et sur des carters de la Z 2C est monté un cylindre de Z 23C avec un piston de Z 22 C Sport. Une cale de 1 mm sous ce cylindre abaisse le taux de compression (6 à 1 contre 7,7).  

1958 Buc lavoir270

Séance de nettoyage d'une Motobécane, directement dans le lavoir-abreuvoir de la Bièvre après le trial du Moto Club Clodoaldien à Buc en 1958. Un vrai cauchemar d'écologiste ! Observant la scène, Christian Constans (béret, à gauche) fera le compte-rendu de l'épreuve dans Moto Revue. Le contre-champ de cette photo (archives Motocycles) a paru dans Moto Revue n° 1421 grâce à Jacques Birger, le technicien de la rue de Cléry qui a fixé la scène avec son Contax (au milieu, accroupi derrière le muret).

1958 Marchand266

Claude Delauné a fait école et chacun essaie d'appliquer ses recettes, surtout dans les parties-cyle. On allège avec un réservoir de Poney Motobécane, on rehausse la selle et la suspension arrière oscillante se répand, mais tout le monde... 

1958 Watbled267

... ne dispose pas des moyens d'un bon mécanicien ou des talents d'un bon soudeur. Alors on coupe la poire en deux : une coulissante d'origine soudée en décalage vers le bas, toujours pour gagner quelques centimètres de garde au sol. Les garde-boue sont toujours en bonne tôle d'acier car l'alu plus léger est cher et le plastique n'a pas encore été "inventé", du moins pour un usage motocycliste.

1958 De Thomasson272

Motocycliste passionné, Michel de Thomasson courut dans de nombreuses disciplines dont le trial comme ici où il a dû très probablement faire "échec à la zone". Si l'on peut ainsi qualifier de zone cet infâme bourbier. La proche banlieue parisienne offrait parfois de ces surprises...

Prochainement : MOTOBÉCANE & TRIAL : LES GRANDS ANCÊTRES (2)

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