Après l'enthousiasme déclenché autour de l'automobile - trois modèles 4 cylindres de 10 à 14 chevaux en 1910 - Lurquin-Coudert revient en 1911 à un programme plus raisonnable, surtout s'agissant d'une entreprise somme toute modeste. Programme spartiate même puisqu'il ne reste plus en 1911 qu'une seule et unique "voiturette" de 5 HP 3/4 (665 cm3). Un choix dicté par d'excellentes raisons car : "Vu la légéreté de la voiturette, elle (la force développée par le 5 HP 3/4) est suffisante pour passer partout, et que la consommation d'essence est extrêmement réduite (...). Nous avons voulu, en outre, empêcher nos clients de dépasser la vitesse de 45 kil. à l'heure au-dessus de laquelle l'usure des pneus devient énorme au point de quadrupler le prix d'entretien d'une voiturette légère".
Cette "voiturette" qui a abandonné les roues dites "artillerie" à branches en bois est tellement légère (300 kilos) qu'elle pourrait passer pour un cyclecar. Mais cette dernière formule, si intéressante à tout point de vue (impôt réduit, carrosserie simpliste, roues et pneus de motocyclette), est encore en développement depuis que le pionnier de la chose, le Bédélia conçu par Bourbeau & Devaux, a fait son apparition en 1910.
Une feuille volante, insérée dans le catalogue de 1911, présente cependant une voiturette de livraison à 1 cylindre et une autre à 2 cylindres, les deux au même prix de base, soit 2300 F, que le modèle de tourisme. Il faut néanmoins payer un supplément de 180 F pour la caisse arrière de livraison ainsi que 387 F pour les pneus et 150 F pour le moteur 2 cylindres. Le tri-car reste au catalogue en version mono ou bicylindre, tous les deux refroidis par eau, alors que le modèle "léger" avec bicylindre à ailettes n'aura vécu que durant la seule année 1910.
Jamais en retard pour saisir une idée moderne qui tourne dans l'air, Lurquin-Coudert (surtout Coudert, puisque Lurquin semble n'être plus qu'un nom dans l'entreprise) est présent à la course de Côte de Gaillon avec, on en parlait plus haut, un cyclecar. Des pneus de taille réduite, une carrosserie symbolique, une transmission par courroies (une de chaque côté), une direction sur cheville ouvrière, 300 kilos sur la balance, tout concorde avec la définition du cyclecar. Laquelle se traduit essentiellement par une limitation du poids. Comme l'écrira plaisamment une sommité de l'époque : "Le cyclecar est une moto à deux places et comportant plus de deux roues; quelquefois trois, généralement quatre".
À Gaillon, le Lurquin-Coudert est arrivé 4ème, mais on ignore dans quelle catégorie et en combien de temps il a grimpé la pente. Plus tard sera annoncée une moyenne de 37 km/h dans l'escalade de cette côte. Celà paraît beaucoup par rapport à une concurrence "affûtée" comme le Bédélia, l'épouvantail du jour, crédité de 25 km/h. On ne connaît pas plus le nom du pilote à Gaillon, mais ce pourrait être l'homme qui est au volant, ci-dessus, avec le très reconnaissable Charles Coudert à son côté.
Alors que la Bicyclette à moteur de 1 HP 3/4 et 30 kilos reste inchangée (avec 10 F d'augmentation), cette 2 HP est modifiée dans son aspect par un nouveau dessin du carter recouvrant les pignons d'entraînement de la magnéto. En l'absence de précisions et au vu de la forme dudit carter précédent, on peut supposer que cet entraînement se faisait au moyen d'une chaîne jusqu'en 1910.
La même 2 HP en plus gros plan. D'après les illustrations des catalogues, et à moins d'une erreur du photographe, on est revenu sur ce modèle à un réservoir rond et non plus quadrangulaire comme en 1909-1910.
Nouveau moteur sur la 3 HP 1/2 avec un cylindre désormais boulonné sur le carter-moteur en place de deux tirants devant et derrière ce cylindre. La magnéto (entraînement par pignons) pouvait équiper cette machine moyennant un supplément de 150 F, de même que la fourche élastique L-C (45 F).
Proposée en Touriste (Santé !) ou en Course, la grosse bicylindre de 7 HP n'est plus disponible en 5 HP. Son moteur pourrait avoir été "rajeuni" comme celui de la 3 HP 1/2 par un montage du cylindre boulonné sur le carter-moteur (à vérifier sur pièce un jour ?). Deux options pour le carburateur soit un Claudel soit un Longuemare. Présente sur cette illustration, la magnéto reste un supplément en légère augmentation à 210 F au lieu de 200, mais le prix de la machine reste toujours à 975 F. Il est aussi précisé qu'elle pouvait être livrée avec des repose-pieds ou des... pédales.
"REMISES AUX AGENTS : 15 % pour les automobiles et 25 % pour les motos". Il semblerait qu'il était plus difficile de trouver des revendeurs pour la moto que pour l'automobile...
Bien que figurent encore des motocyclettes et un tri-car au programme L-C, l'orientation de la marque est clairement indiquée par la couverture de ce catalogue au rayonnant lettrage argenté. La présence du "cyclecar" à Gaillon en 1911 annonçait une suite en 1912 sous forme d'une "Torpédo - Sport". Le caractère "sport" est sans doute justifié par les deux baquets et une carrosserie à une seule porte. En revanche, le caractère sportif de la conduite devait être bien réel, provoqué par l'essieu avant sur cheville ouvrière, une technique directement issue de la charronnerie agricole. Sans évoquer le terme honni de dérapage, "les virages ne se font pas alors correctement, concédait La Vie Automobile à propos de ce type de direction, ajoutant que « le léger glissement qui en résulte pour l’une des roues est absolument négligeable" !
Changements à tous les niveaux, y compris dans l'adresse nouvelle annoncée par cette publicité du 25 avril 1912, mais la rue Planchat est toujours en activité. Cependant, il est précisé au catalogue que "Toute la correspondance, les commandes, envois, chèques et mandats doivent être adressés à M. Ch. Lacour, 19 rue Planchat, Paris". Coudert aurait donc été plus spécialement chargé de la partie automobile. D'ailleurs (est-ce un symbole ?), on le trouve ci-dessous au volant d'une voiturette présentée à la Presse où elle est abondamment décrite, à peu près dans les mêmes termes, quel que soit le titre de la revue.
À la différence de nombreux autres cyclecars dont le châssis est en bois renforcé par des ferrures métalliques, celui de la Lurquin-Coudert est en tôle emboutie. Le nez en arrondi de la carrosserie cache un classique radiateur plat. Derrière lui on distingue (dernière photo ci-dessous) un gros ressort vertical chargé d'amortir les chocs sur l'axe vertical de la cheville ouvrière.
En sortie-moteur, un pignon entraîne par chaîne une couronne solidaire d'un axe transversal portant à ses deux extrémités des poulies extensibles. Celles-ci commandent ensuite au moyen de longues courroies une poulie-jante sur chacune des roues. Le changement de vitesse s'obtenait en faisant varier le diamètre des poulies extensibles au moyen du levier visible au premier plan. On évitait ainsi l'emploi d'un différentiel certes plus mécanique, mais aussi beaucoup plus onéreux.
Afin de prévenir les couinements de certains qui jugeraient n'avoir pas eu leur dose de motocyclisme dans ces articles, on terminera par cette photo d'un motocycliste en herbe mais qui a déjà du poil aux pattes (wouaf !). Sa machine est probablement une 3 1/2 de 1911-12 avec une modification (personnelle ?) apportée au cadre sous forme d'un tube-entretoise entre le tube sous le réservoir et le tube avant.
(C'EST - ENCORE - À SUIVRE)
Articles commencés le 28 avril et terminés en ce jour du 1er mai à 18 h 44...
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