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Le retour de "La Moto Rouge" !

Pas facile d'imaginer aujourd'hui qu'avec une centaine de chevaux une berline de 1300 kg pouvait être la reine des routes nationales françaises. De la fin des années 60 au début de celles de 70, la Citroën DS 21 fut cette "reine de la voie de gauche", suscitant l'envie des uns et le dépit des autres. Dépités, certains le furent d'une façon originale par exemple un certain 24 décembre 1965. Au point de téléphoner à Moto Revue pour savoir de quelle marque pouvait bien être la moto qui les avait doublés, lui essayeur chez Citroën au volant d'une DS 21, au cours d'une démonstration avec un client sur l'autoroute. La réponse allait venir du propriétaire même de la moto qui raconta à longueur de pages dans MR l'histoire de sa machine et le pourquoi du mystère qui l'entourait : "Depuis un bon kilomètre, j'avais la DS en ligne de mire ; arrivé à sa hauteur, le chauffeur et son passager m'ont fait de grands signes, me montrant le côté de la route. M'arrêter ? Pas question ! J'ai ouvert au maximum. La reprise fut franche et la DS partit assez brusquement derrière. Je croyais avoir affaire à la maison Poulet plutôt qu'à un essayeur et son client. J'étais, ne l'oublions pas, sans échappement, et ma belle Indian fait du bruit dès que l'on demande le maximum. Sans éclairage aucun, équipement course, sans immatriculation... et sans portefeuille. Comprenez ma réaction".

La marque était lâchée : Indian ! Effacé depuis plus de 10 ans des écrans radar, le gros V-Twin revenait en scène de façon magistrale grâce au talent de Jean Charlot, un passionné membre du Motocycle Club de France et coureur à ses heures. Ça valait bien la couverture de Moto Revue annonçant 5 pages intérieures auxquelles font écho aujourd'hui une douzaine de photos des années 60/70 pieusement préservées par Didier M... qui les a confiées au Zhumoriste, ce dont on ne le remerciera jamais assez. Plusieurs ont été faites à Montlhéry et parmi elles, l'une représente cette Indian. Une seule mais l'identification ne laisse aucune place au doute : la "moto rouge", c'est bien celle-ci !

Indian-rouge-Moto-Revue280.jpgSous cette fameuse photo ronde de la couverture de Moto Revue, à nulle autre pareille, on pouvait lire : "Ce gros machin plein de trous ? C'est la Moto Rouge !". Ainsi se terminait un feuilleton à épisodes commencé en janvier 1966 lorsque le motocycliste "qui sème la terreur parmi les habitués de l'autoroute" se dévoila auprès de Moto Revue qui respectera son anonymat. Dans une courte description signée André Cam (pseudo du rédacteur-en-chef Christian Rey) on apprenait que l'Indian était une 1200 (soupapes latérales, bien sûr) qui fut préparée pour des records à Bonneville. Elle arriva en France chez Taury, un motoriste parisien spécialisé dans les Indian et Harley. Motoriste au grand cœur - ça existe - il donna vers 1956 son moteur à Jean Charlot son employé avec ces mots :  "Voilà qui va tempérer ta soif de vitesse !".

Dans un premier temps, il fut installé dans une partie-cycle classique d'Indian, coulissante arrière mais fourche avant télescopique de BMW. Testé au banc, le moteur annonçait 55 ch à 5200 t/m, puissance portée à 65 ch par la grâce de cames d'usine arrivées dans les poches d'un steward aérien. J. Charlot se lance un jour sur l'autoroute à 160/165 lorsque "brusquement les fourreaux de fourche reculent, la roue se met à gigoter comme une folle, m'arrachant presque le guidon des mains !" Au terme d'une gamelle effrayante mais finalement point trop grave, la machine sera remisée durant 6 mois avant d'être offerte à un ami indianiste qui trouvera des débris des bagues en régule au fond des fourreaux... 

Indian Moto RougeÉloigné pendant une dizaine d'années de la mécanique par le service militaire, le mariage, la maladie, Jean Charlot récupère l'Indian. Elle dormait dans la cave de l'ami qui s'était bien fait peur lui aussi avec ce 1200, le laissant un jour "les fesses posées sur l'avenue de Clichy" après un démarrage mal maitrisé ! Au début de 1966, le Motocycle Club de France annonce qu'il va organiser en fin de saison une journée des records ouverte à toute cylindrée. Excité par la nouvelle, Jean Charlot se met au travail. Il envisage d'abord de monter le 1200 dans le cadre d'une 250 Benelli mono ACT mais à fourche avant à parallélogramme. Les modifications s'avérant trop importantes, son choix se porte sur une partie-cycle de Norton. 

Indian-Moto-Rouge-gros-plan.jpgTravaillant de la fraiseuse et de la perceuse (les ailettes de la culasse...), J. Charlot réalise des platines de fixation du moteur et de la boîte 4 vitesses d'origine A.M.C. (AJS-Matchless) amputée de son kick, inutile vu la compression des cylindres et malgré une cale de 1 mm sous les culasses. La bobine d'allumage est empruntée à une 2 CV, de même qu'un petit radiateur d'huile fixé sur le côté du moteur (voir photo de la couverture de MR). Le carburateur américain Linkert d'origine de 38 (15 à 16 litres aux 100...) est remplacé par un Weber double-corps de 40 (d'origine Fiat). Meilleur ralenti et quelques litres d'essence en moins.

Cette description correspond à la machine telle qu'elle était en 1966, mais elle a évolué ensuite comme on le voit sur la photo ci-dessus. Impossible de la dater précisément sauf par comparaison avec quelques unes des autres machines photographiées autour d'elle. Ainsi on y voit une Suzuki 250 équipée du graissage "Posi-Force" et introduite en France en 1966. Si elle a attiré l'attention du photographe anonyme, c'est qu'elle devait être encore peu répandue. Idem pour une Kawasaki 500 Mach III immatriculée en WO, donc toute neuve, et apparue en 1969. (Ces photos feront l'objet d'un prochain article).

Indian-compresseur.jpgMais le plus important est cette pièce derrière les cylindres : un compresseur qui méritait bien un gros plan ! Jean Charlot avait annoncé qu'il allait en monter un pour les records du M.C.F. Il en attendait un regain de puissance de 20 à 25 % et 230 km/h. Dans cesCompresseur à 2 lobes compresseur_3105536-M.jpgannées, le compresseur se trouvait facilement puisque des spécialistes en proposaient pour les Peugeot 203 et 403 et même pour les 2 CV ! Nobody n'étant perfect, la gendarmerie fut aussi équipée de DS à compresseur qui durent en surprendre plus d'un sur l'autoroute... Cette photo montre que Jean Charlot a réalisé son projet en choisissant un modèle du type Roots (ci-contre à gauche, le principe avec rotors à deux lobes. À droite, l'aspect extérieur côté poulie d'entrainement). Mais on n'en sait guère plus, du moins à la lecture de la presse. En effet, si la journée des records eut bien lieu, sur l'aérodrome militaire de Villacoublay, ce fut sous la pluie et les rafales d'un vent violent. Le seul concurrent en 1200 était un autre "hérétique", Luigi Bernagozzi sur sa Norton à moteur 3 cylindres deux-temps D.K.W.

On perd la trace de "La Moto Rouge" qui suscita moins d'intérêt avec l'apparition de plusieurs bitzas Norton-Vincent et de la monstrueuse Münch en attendant les multicyclindres japonaises. On souhaite que l'Indian "Prince des Tempêtes" (c'est écrit sur le coussin de réservoir) dorme toujours dans quelque fond de garage, attendant d'en ressortir un jour. Après tout, le 4 cylindres Rossignol n'est peut-être pas une exception...

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S
I suppose it depends what grammar book you want to fall back on, but it would easy to argue that you&#8217;re flat-out wrong about when to spell out numbers.
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R
bonsoir ,il y a quelques années que je cherche des renseignements sur la moto rouge de j charlot.je suis en train de reconstruire la même moto, avec un roots aussi .je restaure des indian et des motos anglaises pour des clients .
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Z
J'ai dit tout ce que je savais (ce que j'ai lu dans la presse) sur la Moto Rouge qui garde son mystère. Bravo à vous de continuer sur ses traces. Merci de nous tenir au courant pour la suite
J
Jim <br /> Indian man from Ireland
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A
Les Belles Histoires de l'oncle Bourdache ...<br /> Arv' soupir .. heu non... Spirou
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