Dès qu'on a passé le seuil, le rouge pique les yeux. Ce n'est pas un rouge tomate ou vermeil, rubis ou garance, non, c'est un rouge... un rouge... tiens, c'est un rouge Ferrari ! Pas étonnant puisque cette couleur c'est celle des Morini, Ducati, Guazzoni, Fratelli Boselli (Mondiali) ou autres... Emmevi, alignées en rangs serrés (trop) dans le musée d'Alain. Puis on s'habitue. L'œil s'accommode et on voit que dans ces rouges il y a d'autres machines aux couleurs moins flamboyantes et d'allure plutôt frêle. Et pour cause car ce sont des cyclomoteurs. Pas n'importe lesquels mais la noblesse dans cette cylindrée : des 50 à vitesses ! À vue de nez, je dirais une petite centaine mais je me trompe sûrement.
Surplombées par trois moto leggera italiennes, de gauche à droite : MV 250 bicylindre, MV 175 Disco Volante, Motobécane Sport, Peugeot Bol d'Or, Terrot (Type ?). Ensuite cinq autres motos non identifiées, soit le vingtième environ des "motos-motos" réunies par Alain en plus des cyclos. Indispensable avec tous les deux-temps de cette collection, le distributeur Shell de mélange à l'arrière-plan.
Alors que le concurrent Esso est abondamment représenté ici et là par la célèbre queue de tigre en pure matière synthétique. Collector's !
La maîtresse des lieux règne sur une écurie de Paloma qui plonge le visiteur dans le meilleur des années "Yé-Yé". La Paloma Super Flash devenait l'Idole des Jeunes avec Johnny (et Sylvie), réunis tous trois dans le film "D'où viens-tu Johnny", un nanard garanti de toute première qualité.
On enjolive à tout va et un avion à réaction en mascotte sur le garde-boue avant peut vous faire gagner ≤>œ +!•# !§¶ kilomètres/heure. Au moins !
Sur le podium, un Morini 50 Corsarino, "cyclo" à l'italienne, c'est à dire traité comme une moto que ce soit dans le moteur (kick et vitesses par sélecteur au pied) ou dans les suspensions.
Toujours en Corsarino, on peut préférer un modèle encore plus sport (selle avec dosseret) et décoration de réservoir différente.
Morini savait aussi faire plus gros que des "tasses à café", tel ce 150 cm3 de 1957, mais toujours aussi esthétique et racé que ses 50…
M.V. Agusta est plus connue pour ses 3 et 4 cylindres de course, mais en plus petite cylindrée d'usage "courant" elle n'avait pas à... rougir de ses productions. La partie arrière du cadre est en tôle emboutie comme sur toutes les M.V. de tourisme, la 600 quatre cylindres exceptée.
Sur fond de 175 MV Discovolante, (surnommée ainsi d'après la forme de son réservoir) une autre moto rouge bien connue.
L'Itom 50 "Competizione" du Français Jean-Claude Serre qui fit le podium lors de la course nationale disputée dans le cadre du G.P. de France à Charade en 1961.
La machine de route est plus discrète, mais la marque et le type sur le réservoir ne passent pas inaperçus !
Une petite bombe de 1955, le 80 cm3 Ceccato. La marque existe toujours et "vous offre une large gamme de solutions d'air comprimé s'adaptant à toutes vos exigences spécifiques". Cette phrase est extraite de la présentation actuelle de l'entreprise sur internet, à voir : http://www.ceccato-compressors.com/fr/. On est loin des deux-temps rageurs qui battaient des records dans les années 50.
Chez Alain, on voit des marques dont le nom a l'air d'un gag ou d'une faute d'orthographe. De celle-ci, personne n'a jamais parlé, ni écrit le nom dans une revue. Me trompè-je ? Ben, il semble que oui... parce que Torpado est bien vivant et habite sur le ouèbe où il propose des bicyclettes en tout genre et de toutes tailles, pour le minot, la demoiselle ou l'athlète. Plus de moteur, enfin si, mais électrique. Pourtant leur adresse, à Cavarzere où ils sont installés, c'est rue... Enzo Ferrari. De quoi donner des idées...
Du rouge jusque dans la cuisine (d'où les bouteilles et bocaux de confiture...). Mais une 175 M.V. double-arbre CSS avec fourche type Earles mérite des égards particuliers. Et la détailler en dînant est un spectacle qui vaut largement celui du JT à la télé. La tige métallique en travers du carter-moteur protège la magnéto extérieure dont on distingue le capot noir. Rare dans la production transalpine, la commande des ACT s'effectue par une chaîne.
Le côté transmission secondaire de cette double-arbre est plus dépouillé. On regretterait presque la mode du double-échappement qui sévissait dans les années 30. C'est sur une machine de ce type qu'un certain Mike Hailwood remporta ses premiers succès. Est-ce la raison pour laquelle de honteuses répliques circulent... aux États-Unis ?
Une 175 Parilla "Lusso Veloce" de 1957 dont le type de moteur est détaillé ci-dessous. Elle domine une rouge gauloise (Guiller ?) trahie par son rondouillard réservoir Mottaz, sa selle Aurora et ses poignées Saker.
Un autre moteur de Parilla avec vue sur le côté de la distribution bien particulière à cette marque. Velocette et Vincent ont également utilisé une distribution dans le même genre (arbre à cames surélevé) mais sans pignons en cascade comme on les voit ci-dessous. Le but est d'obtenir des tiges de commande des soupapes les plus courtes possibles afin d'éliminer les problèmes dus à l'échauffement. Sur des motos des années 30 dont les tiges restaient à l'air libre, il arrivait de perdre l'une d'entre elles, déformée sous l'effet du "flambage" du métal...
J'ai cherché partout dans les livres et sur la toile une description sur le fonctionnement de cette distribution dite "surélevée". Je n'ai trouvé que cette photo (origine ?) d'un moteur en cours de restauration et qui permet de tenter une explication. Le pignon le plus élevé de ce train de pignons porte un arbre à cames (flêche). Ces cames agissent sur deux courtes tiges en V (protégées ici par des petits soufflets) qui actionnent deux culbuteurs devant et derrière la culasse hémisphérique. J'ai bon là ?
F.B Mondial 125 de 1957. Machine de route à distribution par de "raisonnables" soupapes en tête commandées par tiges et culbuteurs...
... mais la marque (en dehors de ses racers) est capable de faire beaucoup mieux à l'intention du simple sportif...
... avec un très beau 200 cm3 double-arbre dont le kick s'actionne d'arrière en avant, détail caractéristique des Mondial. Le sélecteur à double branche est aussi une spécialité des marques italiennes. Sans doute pour ne pas risquer d'abîmer les escarpins des ragazzi. (Note du 29 octobre 2013 : Rectification fournie par la plus haute autorité compétente - à savoir Dominique Martin, président de l'Ital-Club de France - ce double-arbre est un simple culbuté ! Ce qui me console, c'est que je ne suis pas le premier à m'y laisser prendre...)
Nées Ital-Motor, les Tarbo 50, 125 ou 250 de 1967 sont dues à la collaboration de Leopoldo Tartarini avec le tchèque Jawa-CZ. Leur nom est tout simple : TARtarini-BOlogne (lieu de construction). Le modèle ci-dessus à gauche est équipé du deux-temps monocylindre CZ 125 de 8,5 ch. Les Ets Poch qui l'importait en France le proposaient à 2 400 F au début de 1967, prix ramené à 2 050 F pour le Salon. La Jawa 125 "d'origine" vendue chez le même importateur était à 1850 F.
On apprécie mieux ici l'allure sportive de cette Tarbo dont le dessin du réservoir frôle l'œuvre d'art. Tartarini a toujours soigné la présentation des machines qu'il "remodelait", entre autres, Velocette-Indian, Grifon 650 Triumph ou Royal Enfield.
D'une amabilité confondante et toujours disponible, Alain (à gauche) répond à toutes les questions subsidiaires des visiteurs.
Derrière la Discovolante au premier plan, la MV twin 250 ou 350 à soupapes en tête paraît bien banale avec sa robe noire et, surtout, ses airs de faux deux-temps. La tendance était alors d'offrir un bloc sans la moindre aspérité, bien lisse, afin d'effacer l'image de la moto sale et compliquée... Le scooter offrira l'alternative avec les conséquences néfastes qu'on sait sur la construction motocycliste.
Twin 250, ci-dessus ou mono 175, ci-dessous, le dessin général du bloc-moteur culbuté des M.V. est identique. Une 350 sera ensuite dérivée de la 250 par simple augmentation de l'alésage de cette dernière.
Dans leurs ultimes versions, vers 1975, les monocylindres M.V. arboreront des lignes tranchantes, tout en angles : la mode avait changé sous le crayon du célèbre styliste Giugiaro. Et le sélecteur y avait perdu l'une de ses branches.
Alain n'est pas confit dans l'admiration de ses merveilles des temps passés. En témoigne cette M.V. 4 cylindres F4, bien contemporaine et une autre 4 cylindres un peu plus ancienne et avec laquelle il a couru.
Le clou de la collection de M.V. !
Le guidon sport à l'italienne comme chacun en a voulu un, ou se l'est fabriqué avec plus ou moins de réussite, pour sa moto ou son cyclo.La 175 double ACT de Marcel Camus lointainement dérivée d'une Motobécane et recueillie par Alain. Elle a déjà été présentée ici dans un article du 15 mai 2013.
Dans un coin de l'atelier, deux culbutés de Motobécane en attente d'une restauration.
Elles ne sont pas trop de deux pour surveiller ce troupeau de Paloma (8 ? 10 ? plus ?) dont, au fond, une Flash Super Strada identique à celle de Johnny...
... vénéré ici comme il se doit en tant qu'idole des jeunes en compagnie de Sylvie Vartan et de la Super Flash !
Johnny-d'où-viens-tu prêt à filer au guidon de sa Paloma. Sur le réservoir, la mallette pleine de drogue qui va lui valoir bien de ennuis par la suite. La queue de bestiole qui orne l'antenne fixée sur le porte-bagages derrière lui n'est pas une fantaisie de cinéma, mais une mode (le film est de 1963) qui a précédé, et peut-être inspiré celle du tigre Esso (campagne de pub lancée en 1965).
Encore une Paloma mais avec un détail qui signale bien son époque. Outre "Les Chats Sauvages" avec Dick Rivers, il y a, accroché au repose-pied, un appareil photo que tous les Bidasses des années 50/60 ont connu. C'est un Photax III Blindé, le seul qui était proposé dans les foyers de l'armée française aux appelés et rappelés en Afrique du Nord.
Il devenait "Blindé" par l'effet du bouchon d'objectif qui est ici au repos, enfoncé dans le rabat du sac "Tout prêt". Pendant le transport, appliqué sur l'objectif, il protégeait le déclencheur afin d'empêcher une prise de vue intempestive (deux diaphragmes et 3 vitesses : 1/100è, 1/25è, pose)
1965 : le cyclomoteur se rapproche de plus en plus de la moto comme cette Giulietta Sport GSS 4 au moteur refroidi par turbine. Le "4", c'est pour 4 vitesses commandées par sélecteur au pied. La merveille avait un prix : 1480 F + Taxe Locale, soit 100 à 200 F de plus que la concurrence équivalente. Et les 50 japonais pointaient déjà leur nez...
Encore un enjoliveur qui devait faire gagner de la vitesse. Attendrissant, tout de même.
En bleu, en rouge, en vert, en gris, toute la palette sur ces Paloma dans une vitrine de rêve qu'aucun motoriste n'aurait pu présenter en magasin il y a 50 ans.
Johnny toujours présent.
Peu connue jusqu'à nos jours, Beta a fabriqué des bicyclettes depuis les années 1900 jusqu'à la fin des années 40. Puis il abordé la moto sans oublier de passer par la case cyclo. Son 50 à turbine de refroissement est, comme de juste, traité en vraie moto avec, entre autres un cadre double-berceau complet. Aujourd'hui, Beta s'est fait un nom dans la machine de trial, d'enduro, de cross et l'inévitable scooter.
Alain est particulièrement fier de son Super Vap 50 Special Monneret à moteur Sachs 3 vitesses. C'est avec un exemplaire de ce type que Georges Monneret réalisa son raid Dunkerque-Monte Carlo avec son épouse en duo et son fils Philippe dans une remorque.
Pièce unique que cet étonnant carénage en plastique qui aurait dû devenir un cyclo Cazenave. Il y avait encore en France des gens qui croyaient à un avenir de la moto, mais ce n'étaient pas ceux qui se vantaient d'être "le premier constructeur mondial de motorisés".
Chez Alain, on fait sans arrêt des découvertes comme cette marque peu(in)connue, Fuchs, constructeur de cyclos qui montait le moteur Sachs 50 (En Suisse ? En Autriche ?).
Voici la moitié environ de l'une des "ailes" du musée qui a son pendant tout aussi garni le long du mur d'en face. Entre les deux, un vaste plateau de "divers" dominés par les Corsarino présentés sur les premières photos.
Le choc est rude entre les "tasses" et ce produit d'une industrie britannique pure et dure. Le frein à disque monté ici sur le bras gauche de la fourche doit fournir une indication concernant le modèle et l'année. Celui qui connaît...
Dans un coin de l'atelier (chez Alain les coins foisonnent), une partie de culasse Ducati qui espère des jours meilleurs.
Il est connu qu'Ettore Bugatti accordait beaucoup d'importance à la sonorité de l'échappement de ses voitures. Les deux mégaphones de cette Parilla ne doivent pas (pas que) leur présence à l'amélioration des performances...
Une 175 Mondial de 1958 destinée à la course ou à la route ou encore à l'entre-deux...
... grâce à un échappement que l'on peut libérer à volonté par la magie d'une manette, d'un câble et, au bout, l'accessoire prévu pour. Parions qu'en Italie, c'était un ustensile "réservé à la compétition". Tiens, ça rappelle quelque chose.
BSA twins, Norton Manx, Norton 88, une autre Norton, une Velocette et toutes celles qui ne sont pas photographiables car trop proches les unes des autres : Alain a aussi bon goût pour les "grosses" que pour ses 50.
Et on se quitte sur des adieux à "Miss Satam" préposée au volucompteur distributeur de mélange Esso.
MUSÉE MOTOS ET CYCLOS à GENSAC-LA-PALLUE 16
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