"C'est très amusant de rouler en ville avec un engin si maniable (...), grimper les marches d'un perron, longer la bordure d'un trottoir, démarrer sur la roue arrière à un feu rouge, ce sont de bons entraînements". Vantardises d'un d'jeun à scooter ? Cycliste en mal d'exhibitions ? Rolleriste en goguette du samedi soir ? Que non point. C'est un champion de France qui parlait ainsi, un champion de trial qui remporta le titre "Experts" en 1960. Oui, c'est bien Claude Peugeot dont le seul nom, depuis un demi-siècle, hérisse les poils des bras de quelques amateurs de trial "à l'ancienne" qui ne veulent pas succomber aux sirènes des
Rencontre de champions au Trial du Ventoux en 2011 : Claude Peugeot (casquette) en compagnie de Bernie Schreiber (Photo Autonewsinfo.com).
culbutées de Pantin. Fils de Jean-Jacques Peugeot, directeur des usines d'outillage Peugeot-Japy, Claude Peugeot ne pouvait décemment pas courir sur une Motobécane ou toute autre moto d'une marque française. Il s'attela donc à la création de A à Z d'une Peugeot 175 de trial. Méthodique et passionné, il en tira une expérience qu'il fit partager sur 4 pages aux lecteurs de Moto Revue (14 mai 1960). Ce texte "fondateur" allait devenu la bible des Peugeotistes d'aujourd'hui.
Parmi eux, Jean-Luc Forestier qui a bien lu et relu son Claude Peugeot et repris à son compte la "philosophie" du grand homme. Celui-ci expliquait qu'il aimait le trial pour l'effort de "recherche" qu'il demande : 1/ Recherche de la technique de passage sur le terrain. 2/ Recherche de l'équilibre du pilote. 3/ Recherche dans le domaine de la mécanique.
Pour les points 1 et 2, J.- L. Forestier s'applique autant qu'il peut dans de nombreux trials d'anciennes, seul moyen de progresser. Quant à la mécanique, il suit les grandes lignes des recettes du "Grand Claude". Il colle autant que possible aux techniques de l'époque, c'est à dire sans abuser de celles du XXI ème siècle.
En comparant la machine de J.-L. Forestier avec celle de Claude Peugeot sur la mauvaise photo (ci-dessous) publiée dans Moto Revue, une différence saute aux yeux : ce ne sont pas les mêmes moteurs. Dans une première version, la "bleue" avait le cylindre 175 des modèles de série de l'époque avec les deux échappements que Forestier a réuni dans un 2 en 1.
On voit le résultat ci-dessous lors d'un trial de 2007 (photo Grand Est Trial). Cette machine avait fait sa première sortie à Sancerre en 2004. Puis elle a subi les modifications habituelles que l'on apporte sur un deux-temps afin de l'améliorer : lumières, cylindre, piston, réglages du carburateur et de l'allumage. Avec "peu de résultats", devra constater Forestier.
En 2011, il monte alors un autre moteur Peugeot 175 connu du côté de Belfort - Montbéliard et aux environs sous le nom de "Surpuissant". Ce moteur fut fabriqué à très peu d'exemplaires et pendant très peu de temps avant l'arrêt du programme "motos" chez Peugeot. Non commercialisé, semble t-il, sur des motos complètes, il a en revanche été vendu ensuite pour pièces détachées par l'usine.
Un peu plus puissant que le 175 de série, ce moteur n'a qu'un seul échappement, avantage appréciable sur une machine de trial ou l'on fait la chasse à la moindre dizaine de grammes. Le carburateur est un Amal concentrique Type 624 précise le pilote. Il ajoute : " J'ai abandonné les carburateurs à cuve séparée car dans les virages la moto peut se trouver sur-alimentée ou sous-alimentée". Le volant magnétique est à l'abri de l'humidité, enfermé entre deux fonds de casseroles (des Peugeot, bien sûr !) maintenus en place par une tranche de chambre à air... Remarquable travail sur la pédale de sélecteur qui jouxte celle du frein arrière. "Uniquement pour ne pas perturber le modeste pilote que je suis, ajoute J.-L. Forestier, car j'ai du mal à freiner avec le pied gauche". De fait, en trial, on freine ou on passe une vitesse, rarement les deux à la fois...
La selle reprend le principe caractéristique et quelques pièces du modèle d'origine Peugeot, mais rehaussé comme il se doit pour une moto de trial. Et contrairement aux machines modernes dont la selle n'est plus qu'un souvenir.
L'article de Moto Revue était accompagné de ce dessin sur lequel Claude Peugeot avait indiqué les principales cotes de la partie-cycle. Pour obtenir la chasse voulue, Jean-Luc Forestier a allongé le tube supérieur sous le réservoir et chauffé le tube avant en comparant avec les cotes du cadre d'une Yamaha 125 TY. Sur la "Grand Claude", la selle provient sans doute d'un tan-sad amputé de son support de fixation sur un porte-bagages et son ressort horizontal de suspension est logé sous le réservoir (provenant d'un BB Sport). À l'époque des premiers trials en France, les interzones étaient assez longs et une selle relativement confortable était appréciable.
La boîte à vitesses est une boîte trial mise au point par Claude Pourchot qui lui-même roulait dans les années 60 sur une Peugeot. Elle a été refabriquée en 1984 puis en 2012 pour plusieurs autres Peugeot de trial. Elle donne des rapports plus serrés en 1ère, 2ème et 3ème, mais pas en 4 ème qui n'est utilisée qu'en interzones. La couronne arrière est une 64 dents pour 11 au pignon de sortie-moteur.
Un robuste guide-chaîne secondaire n'est pas un luxe sur une machine qui n'a que 24 cm de garde au sol. À propos de la couleur bleue de sa trial, couleur que l'on peine à retrouver sur des Peugeot traités dans des tons plutôt austères, Jean-Luc Forestier a une réponse irréfutable : "J'aime bien la couleur bleue peut-être parce que j'avais avant une Bultaco bleue, une XT bleue...". Irréfurable, on vous dit !
L'exemple de Claude Peugeot déclencha nombre de vocations trialistes. Ici, vers 1963, une Peugeot avec le moteur double échappement mais déjà une oscillante arrière dans un décor typique des trials d'Ile de France (bouleaux et châtaigniers). Mais les succès en championnat des quatre-temps Motobécane puis Triumph Cub auront bien plus d'influence. Claude Peugeot lui-même devait passer sur Greeves (6 Jours d'Écosse, entre autres), puis à la Bultaco "comme tout le monde"...
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