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L'héritage d'Élie Buchet (3ème partie)

À vrai dire, le titre de cet article n'est pas exact, du moins n'est plus exact. Rappel pour ceux qui prennent le film en route : Buchet ayant disparu à l'automne 1902, l'usine, ce qui est bien compréhensible, a tourné au ralenti l'année suivante. Divine surprise en octobre 1904 lorsque Anzani sur une Alcyon-Buchet remporte de façon impériale la finale du Criterium du 1/3 de Litre, précédant une autre Alcyon à moteur Buchet (pilote Giorgis). Au cours des éliminatoires, Anzani avait gagné la première et la cinquième des six séries que comptait l'épreuve tandis que, parachevant la démonstration du Buchet, une autre Alcyon pilotée par Griet avait pris la quatrième place en finale. 

1904 Anzani Buchet tiers de litre BONAlessandro Anzani sur son Alcyon-Buchet à l'issue de sa victoire au Criterium de 1904. Cette photo est le contre-champ de celle publiée dans le précédent article et on y retrouve les mêmes spectateurs dont M. Godard (à droite) des Ets Alcyon.

Le moteur qui a permis ces performances est le même monocylindre pour tous, caractérisé par son arbre à cames transversal devant le cylindre actionnant les tiges de commande des culbuteurs. Outre sa cylindrée du 1/3 de litre (76 mm d'alésage x 73 de course, donc super-carré), il se construit selon la même architecture en quatre autres cotes-moteur depuis 350 cm3 (76 mm x 76) jusqu'à presque 600 cm3 (85 mm x 100). La distribution par soupapes en tête et culbuteurs n'a pas convaincu pour autant les constructeurs d'autres marques. Pas même Alcyon qui ne semble avoir commercialisé qu'au compte-gouttes des machines motorisées par des Buchet, hormis une brève mention dans le catalogue de 1905 qui, le temps d'une saison, proposera une 4 CV 1/2 (?) à moteur latéral. C'est le bon vieux ZL automatique d'origine suisse qui est encore roi chez Alcyon.

Cette prudente politique a trouvé un écho dans la presse, telle L'Industrie Vélocipédique et Automobile qui, en novembre 1904, à l'issue du Criterium écrivait : "Au Criterium du 1/3 de litre qui vient de se disputer, l'alésage des moteurs varie de 70 mm à 75 ou 76 ; la course de 73 à 80 ou 82. Pour connaître la puissance, il faudrait également connaître les vitesses de rotation : elles n'ont malheureusement pas été données. On peut affirmer en tout cas que les vitesses de ces petits moteurs sont toujours très élevées, 2 à 3000 tours, et par conséquent que la puissance des moteurs dépasse deux chevaux. À des vitesses aussi considérables, que peuvent bien faire les soupapes ?  N'ont-elles pas tendance à s'affoler ? L'affirmative est bien probable et c'est une des considérations qui ont amené certains constructeurs à monter sur leurs machines des soupapes commandées (ndlr : l'auteur semble écrire ici à l'encontre de sa démonstration, à moins que "affirmative probable" fasse allusion aux "deux chevaux" et non à l'affolement des soupapes ?). Et L'Industrie V & A continuait : "La mode aussi, bien certainement, n'a pas été étrangère à leur détermination. N'est-ce pas là une complication inutile et coûteuse ? On peut le croire quand on a vu un constructeur, et non des moindres (*), revenir au milieu même de la saison aux soupapes automatiques. D'autres ne les ont jamais abandonnées et à notre avis ils ont eu bien raison."

Il faudra deux bonnes décennies pour convaincre le motocycliste français que les soupapes "par dessus" (terme de l'époque) étaient d'un rendement supérieur aux "latérales". Et le débat se transposera lorsque le moteur deux-temps commencera à se répandre...

(*) Alcyon n'étant pas concerné, Griffon ou Peugeot étaient les seuls autres protagonistes d'envergure impliqués dans la compétition de vitesse, mais on peine, chez l'un et chez l'autre, à trouver trace des soupapes en tête auxquelles il est fait allusion.1904 Buchet l'Auto BONDifficile de connaître précisément la cylindrée de ces deux moteurs vraisemblablement montés avec des carters identiques. Plus ramassé, celui de gauche pourrait être le 350 de 76 mm x 76. À droite, la poulie ajourée se pratiquait afin d'obtenir un meilleur contact avec la courroie de transmission. Cette dernière, de section trapézoïdale et en caoutchouc armé, était en passe de remplacer la courroie torse qui, à son tour, avait chassé la courroie plate. 

Peut-on déjà voir dans cette profusion exubérante de modèles la "patte" d'Anzani ? Pas impossible lorsqu'on connaît la fertilité d'esprit du personnage qui va se révéler par la suite dans tous les domaines de la motorisation sur terre, sur mer et dans les airs. On remarquera que, passé 1903, les carters ne sont plus marqués "E. Buchet" mais simplement "Buchet". Indication purement due à une exigence commerciale ou façon de signaler que "quelqu'un d'autre" est à la manœuvre dans la conception de ces mécaniques ?   

1904 Buchet OHV mono432Une rareté que ce Buchet qui a survécu et ressemble beaucoup à celui qui est illustré précédemment ci-dessus à gauche avec - sur les images - l'admission à gauche et l'échappement à droite. Le parallélisme des soupapes est ici bien mis en évidence.

1904 Magali Buchet Collomb Ch ThierryVainqueur de la catégorie du 1/3 de litre à la côte de Château-Thierry 1904, Collomb a équipé sa Magali d'un Buchet mais avec une transmission par chaîne qui a nécessité un énorme pignon réducteur. C'était une particularité de la marque Magali ou Mireille, marque-sœur. En raison de la dangerosité de la route, Château-Thierry ne fut ouverte cette année-là qu'à la catégorie "Touriste", d'où le montage de garde-boue sur les motos comme on le voit ici sur cette machine prévue pour la piste. 

1904 Buchet latéral 577Accidenti ! Élie Buchet a dû se retourner dans sa tombe ! Un moteur Buchet qui n'a aucune des caractéristiques "maison". Deux soupapes oui, mais latérales bien qu'elles soient positionnées devant le cylindre et non sur le côté. 

1904 Buchet semi-culbuté BON autoAutre moteur hérétique qui jure dans la lignée des Buchet, celui-ci a une soupape d'admission inclinée et commandée par culbuteur alors que l'échappement est latéral. Ce mélange des techniques se retrouvera souvent sur les moteurs destinés à la moto qu'Anzani va construire sous son nom après la Première guerre. Ces deux derniers documents sont des photocopies de coupures de journaux qu'Anzani avait réunies en un dossier concernant son activité. Ce dossier m'avait été confié par une personne de l'entourage de l'Italien il y a près d'un tiers de siècle. Retourné à son détenteur, ce dossier n'est jamais réapparu depuis la disparition de la personne en question.

1905 L'automobile 25 février Buchet 1-32ème

Élie Buchet ne semblait pas compter beaucoup sur la publicité commerciale pour vendre ses moteurs. C'est seulement après son décès que des annonces apparaissent un peu plus dans la presse spécialisée. Ainsi de celle-ci publiée à la fin de 1904 dans L'Automobile mais dans un format de 1/16 ème de page, le minimum accepté dans cette  revue. Elle passera plusieurs fois dans l'année, mais toujours d'une dimension aussi modeste

1904 Minerva Olieslagers Paris-Bordeaux-ParisUne photo un peu hors sujet mais qui est là pour montrer que Jan Olieslagers, le célèbre "Démon anversois" (voir article précédent sur Buchet) ne dédaignait pas de participer à une épreuve plus calme que celles dont il faisait son ordinaire. Il est ici au pesage du Paris-Bordeaux-Paris au guidon d'une Minerva, grande marque belge comme il se doit.1904 Casque gonflable CissacLa sécurité des motocyclistes, surtout ceux qui entraînent les cyclistes sur vélodromes est à l'ordre du jour en 1904. Introduit en France, le casque en cuir bouilli venu des Amériques est jugé trop lourd si bien qu'un inventeur français (ici à droite) a proposé le casque à calotte gonflable. Le pilote Cissac, à gauche et l'entraîneur Michaël se prêtent à une démonstration de l'appareil pour une photo qui paraîtra en une de l'hebdomadaire La Vie au Grand Air (qui n'est pas une revue consacrée au naturisme comme d'aucuns pourraient le croire !).

1904 Luno-Cape BONDes maisons spécialisées proposent des équipements destinés plus particulièrement aux motocyclistes tels ce "Luno-cape" combinant lunettes et casque en tissu fort. Mais, au volant comme au guidon, le col cassé reste de rigueur !

(À suivre, bien sûr !)

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