Dessinateur doué et sans doute autodidacte (*), lecteur de Moto Revue anciens et visiteur de ce blog, B. Vélo a trouvé dans un numéro de sa revue préférée de quoi lui inspirer une courte bande dessinée. J'avais ces planches sous le coude depuis le 1er juin, mais B. Vélo les avaient aussi envoyées à Moto Revue Classic. Cet illustre magazine les ayant publiées, les visiteurs de Zhumoriste peuvent désormais en profiter à leur tour. Ceux qui préfèrent la version-papier trouveront cette bande dans MR Classic numéro 70, daté septembre-octobre.
(*) Vous avez remarqué, j'aurais pu parler de dessinateur MOTOdidacte, mais depuis que le titulaire de ce titre national s'est livré aux déclarations ignobles qu'on sait, il a salopé l'expression.
Voici maintenant la source d'inspiration de B. Vélo :
" Lorsque Dupont ouvrit les yeux, le cadran lumineux de la pendule marquait dix heures. Dupont aurait dû normalement être au travail depuis longtemps déjà, mais ce jour-là, par exception, il avait pu obtenir un congé et, en cette occasion, il pouvait se permettre de retarder quelque peu le moment, toujours désagréable, où il faut enfin se décider à quitter son lit, il actionna dans l'ombre le bouton de la T.S.F., la voix lointaine se mit à parler, et les échos publicitaires envahirent la chambre.
À l'aéro-gare la publicité ! pensa Dupont qui, d'un geste brusque, arrêta l'appareil pour ensuite appuyer sur un commutateur placé près de la porte d'entrée : aussitôt, la lumière du jour pénétra à flots par une sorte de diffuseur suspendu au plafond. La chambre de Dupont, une pièce de dimension assez réduite, ressemblant plutôt à une cellule, ne possédait pas de fenêtre, car, à 30 ans, Dupont n'avait pas encore une situation suffisamment élevée pour pouvoir, dans l'un des énormes cubes de béton armé composant la ville, se permettre d'habiter un appartement donnant sur l'extérieur.
Il se leva, fit une rapide toilette, s'habilla de cuir, puis, ayant avalé sans appétit quelques unes de ces pilules qu'un Professeur Thing avait inventées quelques années auparavant pour remplacer tous les aliments, il prit son casque, ses lunettes, ses gants, puis sortit.
Un dédale de couloirs, des chemins roulants et une série d'escaliers mécaniques l'amenèrent dans un hall aux proportions colossales où des motos étaient rangées par centaines.
D'un seul mouvement de la main droite actionnant la poignée tournante, Dupont fit démarrer sa 8 cylindres spéciale, franchit une porte, et pénétra dans un long tunnel qui, au bout d'une dizaine de kilomètres couverts en quelques instants, le conduisit au grand jour. Là, toute plate, toute nue, toute droite, bordée de cultures intensives et industrielles, une route s'étendait à perte de vue, sur laquelle, couché sur le réservoir de sa machine, Dupont s'élança comme une flèche.
Après avoir parcouru 150 kilomètres en 45 minutes, il aperçut enfin à l'horizon un arbre, puis deux, puis toute une forêt. Un moment après, il stoppait devant une barrière blanche, laissant sa machine dans un grand garage, et ayant versé au guichet une quantité de francs qu'il lui avait fallu bien longtemps pour économiser, il prit possession d'une vieille moto datant d'une bonne vingtaine d'années.
Peu familiarisé avec cette ancienne mécanique, il réussit, non sans quelque difficulté, à faire "parler" l'ancêtre. Le démarrage s'effectua avec une souplesse toute relative, et Dupont s'engagea, entre deux rangées d'arbres, sur une petite route sinueuse et charmante, une de ces délicieuses petites routes du temps jadis, qui serpentait au gré de leur fantaisie au milieu des prés, grimpant les collines, plongeant dans les vallons, franchissant de temps à autre un ruisseau sur le dos cahoteux d'un vieux pont de pierre.
Dupont aurait pu croire se trouver au paradis terrestre, il se trouvait simplement au milieu de ce territoire qui, par décision officielle, se trouvait conservé soigneusement dans le même état depuis plus de quinze ans, et où l'on pouvait, moyennant finances, se retremper pour quelques heures dans la vie d'autrefois.
Après avoir roulé à allure réduite, par monts et par vaux, pendant un bon moment, Dupont s'arrêta devant un restaurant en plein air. Installé sous une tonnelle au bord de l'eau, il savoura lentement le plaisir d'un vrai déjeuner, prit part aux ébats et aux cris de la jeunesse, se coucha dans l'herbe où, fermant les yeux, il se remémora avec attendrissement ses débuts de motocycliste, en l'heureux temps où, dans le side-car paternel, on parcourait à l'aventure les forêts et les campagnes, où l'on pestait parfois contre ces braves motos qui n'avaient pas toujours bon caractère, mais qu'on aimait bien malgré tout, et sur lesquelles on rentrait le dimanche soir, fatigué, poussiéreux, mais joyeux quand même et plein d'entrain pour toute la semaine.
Mais, hélas ! l'heure s'avançait, bien trop vite au gré de Dupont qui dut enfourcher de nouveau la vieille moto et prendre le chemin du retour.
À la barrière, l'impressionnante 8 cylindres, la dévoreuse de kilomètres, toujours prête à bondir, jamais en panne, attendait son propriétaire.
Dupont poussa un soupir résigné, regagna la grande route plate, toute nue, toute droite à perte de vue, puis vers la gigantesque cité triste et uniforme, vers la ville-prison et son existence factice, il lança son bolide à 200 à l'heure.
R.W. BERNICK (Moto-Revue du 18 juillet 1936)
On n'en est pas tout à fait là mais presque si on pense aux trials et aux moto cross "indoor".
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