Un ruban d'impeccable bitume de 2 km 300 tracé en pleine campagne, un rideau d'arbres en fond d'écran sur la moitié du périmètre, tel était le terrain de jeu du Fanakick Club pour la 5ème édition de sa Cup en trois journées de démonstration. Comme d'habitude, toutes les machines d'avant-guerre y étaient admises ainsi que les petites cylindrées d'avant 1960 et les sidecars pré-1980. Règle écrite mais souple car les organisateurs gardent le privilège d'accepter - sur demande - toute autre mécanique d'exception. Un tour dans le paddock montre que l'esprit du Fanakick est bienveillant en cette matière. Les autodidactes du chalumeau ou les as du marteau à bomber le verre y rivalisent avec les malaxeurs de "choucroute" ou les accros au numérique qui, aujourd'hui, vous sortent comme qui rigole une pièce de fonderie rien qu'en tripotant la souris de leur ordinateur.
Comme dans toute "démonstration", les pilotes arrivent groupés au premier tour, mais bientôt, peut-être sous l'influence d'un environnement qui fait assez penser à celui d'un circuit anglais, le peloton va s'étirer en déclenchant quelques mano a mano sauvages.
Autre départ, autre groupe mené par trois anglaises motocyclettes dont une BSA noire que mari et femme vont s'échanger au long de ces journées.
Les têtes pensantes du club ayant un faible pour la pratique du sidecar (participations au Tourist Trophy Classic...), les "charioteers" sont choyés à La Châtre (c'est là que ça se passe). Modèles à sortie avant ou à sortie arrière, tous s'arsouillent joyeusement et, naturellement, dans les limites de la plus élémentaire courtoisie...
Le bien connu Motard Fou devant la meute est tellement absorbé par sa trajectoire qu'il n'a pas un regard pour le photographe alors que Cécile sa passagère a pris le temps de sourire à l'objectif. Finalement, on ne perd rien au change !
Moteur BMW et grandes roues sur l'attelage de Monneroux Fils dont le père tient aussi parfois le guidon comme il le fit dans le Bol d'Or de 1955. Il pilotait alors une 175 Motobécane dont le clone était présent avec lui à La Châtre ce jour-là.
Le side, c'est un truc d'homme... mais pas toujours. Par exemple, celui-ci, très classique qui arrive de face cache bien son jeu...
... dévoilé par cette vue de l'arrière qui nous révèle une flamboyante chevelure !
Pour ne pas être en reste, certaines exposent un autre aspect de leur talent afin de contrebalancer les effets de la force centrifuge. Le side à moteur BMW est entièrement l'œuvre de l'artiste-pilote : design, conception et réalisation.
Pendant ce temps dans le paddock, la relève se prépare activement !
... alors que d'autres se verraient bien dans une catégorie sportive à créer et qui pourrait s'appeler "Vitesse avec passager(ère)". Pas vraiment nouveau car au début des années 20 les Anglais (qui d'autre ?!) ont fait des tentatives dans ce genre mais sans suite.
Présentation impeccable de l'Aermacchi (Harley-Davidson) de Fabrice Bachelet par ailleurs membre de l'Amicale BMW R12, une machine...
... dont la conduite est bien différente, on s'en doute. Mais un vrai passionné ne doit pas avoir d'œillères ni d'exclusives : deux roues (trois à la rigueur) avec un moteur et basta !
Dans la famille Bachelet, je voudrais le fils qui, malgré un grave accident, n'a pas renoncé à la compétition mécanique. Aux commandes de son redoutable kart Rotax, il fait des ronds autour de tout ce qui roule sur ce circuit, quelle que soit la cylindrée ou le nombre de roues.
Peu de machines italiennes dans ces journées, mais la qualité était présente avec cette Guzzi magnifiquement préparée avec quantité de bonnes pièces dont un train avant de rêve.
Le monocylindre Ducati, desmo ou pas, était peu représenté dans cette Cup bien qu'il ait ses "fanatiques" à travers toute la France. Beaucoup étant "caférisés" en tout sens, il est plutôt appréciable d'en voir un de cette qualité, respectueux de l'original...
En 500, 600 ou 650, la Ducati Pantah fut l'une des grandes réussites de Fabio 'Favoloso' Taglioni. Son audace fut de faire appel à une commande des ACT par des courroies crantées, technique appliquée dans l'automobile mais exceptionnelle en moto (Morini).
Encore de l'italien (pas trop) dans cette réalisation qui marche plutôt fort pour une "moto d'enfant" ! Le moteur est un Minarelli, quant au reste, je ne parlerai que sous la torture !
Lorsqu'on veut devenir une vedette dans le maniement du twirling bâton, l'entraînement est primordial. Il se pratique en toute occasion et à tout moment, même au milieu de mécaniques assourdissantes...
... mais point trop n'en faut. "Maintenant, je n'attends plus que les propositions de contrat que les organisateurs de tournois internationaux ne vont pas manquer de négocier avec mon agent !"
Aussi rare en collection qu'à voir rouler, la 250 Gima avec moteur AMC (arbre à cames en tête commandé par chaîne) est sans doute la plus réussie de toutes les machines...
... françaises qui furent construites autour de ce moteur. À l'exception de l'unique AGF, exceptionnelle... pour d'autres raisons.
Un 103 qui tape des 125 dans les virages du circuit, il fallait être à La Châtre pour voir ça ! Pourtant, il est évident qu'Antoine son pilote est largement trop grand pour cette cylindrée.
La Gauthier, une 125 franco-italo-germaine qui suscita bien des espoirs à son apparition. Une émotion renforcée par la victoire dans la Coupe des 4 Saisons de 1973 (Georges Guilhet) devant la meute des Yamaha.
Conception simple, moteur en béton (Sachs monocylindre deux temps), partie-cycle robuste avec fourche italienne et double frein Grimeca à double cames, la recette était bonne. Mais la marque avait le défaut d'être française... comme tant d'autres.
Née à Clermont-Ferrand, la marque Élie Huin ne pouvait échapper à une construction à base de moteurs AMC. Selon les souvenirs de M. Huin, recueillis par Michel Durand, environ un millier de machines furent produites avec le moteur auvergnat en 125 et 175.
D'une ligne classique selon les canons de l'époque, avec parallélogramme à l'avant et coulissante arrière, leur catalogue s'enrichit ensuite d'une 175 "Sport" à moteur AMC "Compétition" (?) avec fourche télescopique et une oscillante arrière à amortisseurs séparés de très court débattement. Les Élie Huin furent aussi commercialisées sous la marque Royal Star.
À partir d'ici, on entre dans le domaine des anglaises en fort contingent, emmenées par des Britanniques ou des Français et dominées par la marque BSA.
Avec toutefois quelques belles exceptions comme cette AJS culbutée des années 30, toujours bien vaillante malgré ses heures de vol clairement visibles.
Deux précautions valent mieux qu'une, et un morceau de carton sous les carters permet de révéler une fuite toujours possible (quelqu'un a pouffé au fond de la salle ?).
Façon élégante d'occuper l'emplacement sur le réservoir qui, en d'autres temps, devait recevoir le tableau de bord avec ampèremètre, bouton de contact, montre, etc. Avec parfois le GPS de l'époque : une baladeuse électrique pour lire une carte de nuit.
On retourne à BSA, et ce n'est pas fini !
... La Preuve, dans une décoration plus yankee que britonne !
Le blouson du pilote est au diapason. C'est à ce genre de petits détails qu'on reconnaît la classe.
Avant guerre ou après guerre, l'assemblage reste harmonieux et acceptable du moment qu'on pioche dans les éléments d'une même marque.
Rien à redire de ce modèle 1938, fidèle jusqu'au porte-vignette "de chez eux".
Du BSA toujours (c'est écrit dessus) qui pourrait faire l'objet d'un quiz. Combinaison dans le styles des années 60-80 sans les navrantes inscriptions publicitaires qu'on voit trop souvent.
Celle dont tout le monde a rêvé, rêve ou rêvera ! Surtout dans cet état...
C'est vieux, mais ça frotte quand même bien. D'ailleurs, on ne devrait pas dire "vieille moto" mais "ancienne moto". Le "vieux", c'est décrépit et ridé, tremblant et chancelant...
... alors que "l'ancien" c'est noble et chenu, patiné et respectable. D'ailleurs dans tous les domaines, l'expression "à l'ancienne" est synonyme de bonne qualité : une véranda à l'ancienne, une andouillette à l'ancienne... Tiens, comme celle que cuisine ici Jean...
... membre du brain trust du Fanakick, une pure merveille venue de Belâbre (l'andouillette, pas Jean) et qui disparaît à peine posée sur la table.
Certains pilotes viennent avec deux machines, voire plus, pour tourner dans plusieurs manches (chacune de 15 '). Lorsqu'on n'a qu'une BSA dans un couple, on se passe le guidon alternativement. Ça c'est de l'amour !
Une petite annonce en taille réelle afin de trouver acheteur pour cette twin 250 Greeves, probablement l'une des plus originales deux-temps britanniques. Cadre en berceau d'alliage forgé pour la partie avant, fourche oscillante à roue poussée sur courtes biellettes et...
... un frein avant à tambour, aussi en alliage léger et d'un dessin bien particulier. En version trial et en cross, la Greeves 250 mono fut longtemps l'arme absolue des deux côtés de la Manche.
Une Norton 18 emmenée par un célèbre moustachu pilier du Fanakick (la moustache qui vole au vent de la vitesse, c'est le trait gris en travers du casque).
Un lettrage connu d'une bout à l'autre de la planète.
La Norton 16 H, une 500 latérales que les Français ont bien connue au lendemain de la guerre. Achetées en gros aux surplus militaires, Clément Garreau les a civilisées et les vendait en "second hand", le terme anglais beaucoup plus chic que "occasion". Celle de la photo est une vraie civile de 1937.
SPÉCIAL RUDGE
Avec Reiner Vandoodewaard, on est devant un personnage tout droit sorti du Continental Circus. Ce Britannique d'ascendance batave se déplace dans un camping-car avec ses motos et son chien Gijs, 9 ans, une bonne bouille de bruneau du Jura que rien n'émeut. Sa machine "courante" est une 4 soupapes Rudge 250 TT Replica de 1934 (ci-dessus), mais il a en réserve une autre 4 soupapes...
... toujours avec un Rudge mais coiffé d'une culasse en bronze et peinte couleur-bronze afin que nul n'en ignore ! Autrement dit le nec-plus-ultra-du-dessus-du-panier-de-la-cerise-sur-le-gâteau (et j'en passe !). Bref, c'est la culasse de la mort qui tue, comme on dirait dans les "quartiers".
Autour de ce moteur à culasse bronze, il y a une O.E.C. remarquable par sa suspension arrière oscillo-coulissante, spécialité de cette marque dont on connaît mieux la spectaculaire fourche "duplex". Le tapis de fleurs est du plus bel effet, respectueux de la nature et inusable puisqu'en plastique véritable.
Reinder est autant soucieux de son confort que de celui de son compagnon auquel il a offert ce casque anti-bruit du plus bel effet et que Gijs semble apprécier.
Si l'on en croit sur différents forums les échos qui le concernent, Reinder fait bien des misères à ses concurrents en courses d'anciennes. L'un d'eux a même proposé de retirer deux des culbuteurs à sa Rudge...
La roue flasquée fut l'un des tubes des années 20 sur les machines de tourisme, appréciée pour sa facilité de nettoyage en ces temps de généreux graissage. Dans les décennies suivantes elle apparaît sporadiquement sur des machines de records, rarement en course. De mémoire, il semble que sa dernière utilisation est... française avec la 6 cylindres Benelli-Motobécane du Bol d'or de 1976 (?)
Superbe silencieux Brooklands sur cette anglaise qui n'a d'Ariel que le réservoir.
Caractéristique des Velocette, l'embrayage dans l'alignement du pignon-moteur permettant un carter-moteur plus étroit donc plus robuste.
Derrière le tube d'échappement apparaît un petit radiateur d'huile qui aurait bien plu à Jean Nougier.
Jusque dans la signature, l'élégance d'une machine anglaise...
En virage, pas besoin de sliders avec une Triumph car la béquille centrale est là pour vous rappeler à l'ordre !
Le dernier jouet de Jean-Luc Gaignard est une Zenith anglaise à moteur JAP 680 latéral en état d'origine.
Un peu de Honda pour terminer avec une "petite" 4 pattes d'un habitué...
... et une 450 accommodée à la sauce britannique.
(À suivre)