Depuis Le Palais-sur-Vienne, Thierry lance un appel dont le Zhumoriste, exceptionnellement, se fait l'écho. Exception donc, car, comme précisé dans la page d'accueil, ce blog n'a pas vocation à fournir tel ou tel renseignement sur demande. Il y a des forums pour cela et bien mieux outillés. De plus les échanges qu'ils permettent se font à une vitesse qu'un blog ne peut suivre, sauf à laisser tomber des articles plus argumentés. Pourquoi alors cette exception ? Parce que cet appel demande une réponse qui peut être utile à d'autres lecteurs... comme il est dit en page d'accueil. On écoute d'abord Thierry :
"Je vais très prochainement acheter une 175 cc Dé-Dé de 1926 (photo ci-dessous). Comme vous pouvez le voir, cette moto est équipée d’un moteur 2 temps de marque Duten (Levallois-Perret). Ce qui motive ce courriel c’est que dans votre livre « La motocyclette en France 1922 – 1924 » vous écrivez que Gustave Evrard expose 3 modèles (tous en 175 cc) au Salon de 1924 : une monovitesse à courroie ; une 2 vitesses à boîte Staub et chaîne-courroie ; une 3 vitesses à boîte Sturmey-Archer et chaîne-chaîne. Vous ajoutez que dans tous les cas le moteur est un monocylindre 2 temps de marque Moussard-Madoz. Ma question est la suivante : Est-ce que G. Evrard montait déjà des moteurs Duten ou est-ce arrivé entre 1924 et 1926 ? Et pourquoi a-t-il proposé ce moteur en plus du traditionnel Moussard qui semble beaucoup plus répandu ? LVM a consacré plusieurs articles aux marques de la Seine. Dans le n° 662 on trouve un article sur Dé-Dé où l’on peut lire : « De 1924 à 1926 les DéDé furent toutes des 175 à moteur Moussard 2T : à courroie directe, à boîte 2 vitesses et transmission finale à courroie, enfin à boîte 3 vitesses et transmission finale à chaîne… ».
Ceci me laisse perplexe puisque ma future Dé-Dé datée de 1926 est équipée d’un moteur Duten. Je me base aussi sur une publicité de ce fabricant parue dans Moto Revue n°219 de 1927 où il est écrit qu’une Dé-Dé (équipée de ce moteur) pilotée par Tixier, était engagée au Tourist Trophy français. Sur ce document on peut aussi voir une photo des acrobates motocyclistes Armand Guerre équipés pour deux d’entre eux de motos Dé-Dé similaires à la mienne. Enfin, je possède également quelques photos prises à la bourse de Chabanais il y a quelques années, montrant une autre Dé-Dé équipée de ce même moteur.
"N’ayant pas réussi à trouver plus de renseignements sur cette marque dans mes maigres documents, je suis bien sûr preneur de toute nouvelle information que vous pourriez m’apporter.
LA RÉPONSE EST... QU'IL N'Y A PAS DE RÉPONSE !
Vraisemblablement, LVM (B. Salvat) et moi avons consulté les mêmes rares sources. Guère étonnant car il est probable que la production de Dé-Dé n'avait pas l'importance économique que laisserait supposer sa présence soutenue dans des épreuves sportives de longue distance. Présence payante : au Bol d'Or 1925, Lambert est deuxième des 175 et quatrième au classement général, devant toutes les 250 et 350. Dé-Dé est aussi 4ème, 6ème et 8ème en 175. La marque n'est plus présente ensuite jusqu'à l'épreuve de 1928 où Roudadoux prend la troisième place au général avec une Dé-Dé de 250 cm3. Épisodiquement le nom de Dé-Dé apparaît dans les gazettes accompagné d'une photo par-ci par-là, mais sans précisions utiles d'ordre technique. Il faut donc s'en tenir aux documents édités par la maison, d'une qualité médiocre sur un mauvais papier. Ceux que l'on connaît à ce jour consistent en feuilles 21 x 24 recto verso ou encore pliées en huit. Malheureusement pour Thierry, aucun ne mentionne le montage d'un moteur Duten, quelle que soit la période considérée.
On peut seulement supposer que ce moteur a été utilisé ponctuellement, à titre d'essai, sur quelques Dé-Dé avant que Moussard l'emporte. La construction du Duten, compliquée pour l'époque (voir plus loin), était plus onéreuse que celle d'un simple mono deux-temps, ce qui se répercutait évidemment sur le prix de la moto qui l'utilisait. On en est réduit aux suppositions dans ce domaine. En attendant des certitudes, voici un panorama de ce qui est connu sur la production Dé-Dé des années 1924, 1926, 1931 et 1933. De quoi permettre peut-être à d'autres amateurs de cette marque d'augmenter leurs connaissances.
Le plus ancien document Dé-Dé présente une 175 à moteur Moussard bien reconnaissable par sa magnéto en bout de vilebrequin et un échappement dirigé directement vers l'arrière. Le nom du fournisseur de la boîte à vitesses n'est pas mentionné. Sur la "Touriste" ce serait une Staub selon le compte-rendu de Salon 1924 dans la revue Cyclecars & Voiturettes. Cette même revue fait état d'une Dé-Dé "Luxe" à boîte Sturmey-Archer et moteur Moussard "très bien présentée". Il s'agit sans doute de celle qui est ici cataloguée "Sport".
On remarque que le qualificatif "Sport" est justifié par la seule présence de la transmission chaîne-chaîne. À la même époque, de nombreux motocistes proposaient encore des machines des surplus dont les 500 BSA ou Triumph à soupapes latérales qui se négociaient autour de 2500 F "reconstruites et garanties". Les jeunes marques françaises nées après la guerre avaient du souci à se faire...
Le modèle "Super-Sport" à double échappement (ci-dessus) comporte un faux réservoir en selle. Il est constitué par une double "coquille", soit deux réservoirs accolés aux tubes supérieurs de cadre. Sur la "Sport" ces derniers sont apparent (ci-dessous), comme sur toutes les autres machines du programme qui restent du type dit "entre tubes".
Bien que ce ne soit pas précisé, il est probable que les moteurs restent des Moussard deux-temps. Les boîtes sont des Staub (modèle Touriste) ou des Sturmey-Archer (modèle Sport). la presse souligne une heureuse initiative de Dé-Dé qui propose un réservoir d'huile supplémentaire fixé le long du tube de selle. Pas inutile en un temps où l'on graisse le moteur avec un mélange à 10 % soit 1 litre d'huile dans 10 litres d'essence !
L'intérêt de cette feuille réside dans la description des deux derniers modèles. On y découvre des moteurs 4 temps à soupapes "en chapelle" (latérales) ou en tête avec culbuteurs. Dans les deux cas il pourrait s'agir de moteurs JAP comme celui qui équipe la machine ci-dessous (document d'après une vieille photocopie d'un original qui s'est "dématérialisé" dans mes archives. S'il réapparaît un jour, il viendra prendre sa place ici...).
Heureux motocycliste du Grand Ouest (jusqu'à 1928, le numéro d'immatriculation avec 41 couvrait une zone allant de la Bretagne jusqu'à la Sarthe). Il bénéficiait d'un beau moteur mais ne devait pas trop s'aventurer la nuit sur les routes : son éclairage est fourni pas la grosse magnéto... qui frotte sur le pneu arrière. La boîte est une Burman anglaise.
On appréciera comme il se doit le dernier paragraphe de la garantie où l'on apprend que le moteur d'une Dé-Dé entre dans la catégorie des "accessoires" !
En 1927, réapparition-surprise du moteur Duten sur l'Evans "française" de Geo Dupuy. Importateur de l'Evans américaine, G. Dupuy se trouva fort dépourvu lorsque Evans cessa sa production en 1924. S'estimant libre de proposer une Evans "française" de sa composition, il fit construire ces trois modèles dans une partie-cycle qui ressemble tout à fait à celle de l'Evans originale. Les premières Evans importées avaient une légère fourche de type Druid (parallélogramme avec des ressorts latéraux) qui fit place à une pendulaire qu'on ne retrouve sur aucun document américain. Se peut-il qu'il s'agisse d'une modification signée Geo Dupuy ? Autant qu'on puisse en juger par cette petite publicité, le moteur de l'Evans 1927 serait le même Duten que celui qui est monté sur la Dé-Dé de Thierry avec sa pipe d'échappement à ailettage carré.
1928 : Moussard vante les performances de ses moteurs dans une publicité somme toute modeste eu égard à l'événement : 1/4 de page dans Moto Revue. Le Bol d'or n'a pas un retentissement comparable à celui qui accueille les Grands Prix pourtant remportés le plus souvent par des machines étrangères (britanniques ou belges).
Pas plus de surface pour cette annonce Dé-Dé parue dans le même numéro de Moto Revue avec le nom de Roudadoux estropié.
1931 : une simple feuille recto-verso pour présenter le programme qui ne comporte pas moins de 11 modèles différents. Reste à espérer qu'on trouvera un jour un catalogue plus détaillé avec les marques des moteurs utilisés.
L'année 1931 voit apparaître quantité de machines française équipées d'une transmission par arbre (par arbre et non "à cardan" car cette pièce est inutile en l'absence de suspension arrière). Cette transmission, arbre et pont, est fournie par Ydral qui deviendra le créateur des moteurs deux-temps du même nom au lendemain de la deuxième guerre.
LA DUTEN Q'ON N'ATTENDAIT PAS !
Le 15 août 1931, les lecteurs de la très confidentielle revue Le Monde Motocycliste découvrent une marque connue pour ses moteurs mais toute nouvelle pour ses motos. Cette Duten 250, "qui vient à la suite d'une 175", est en réalité une 231 cm3 (70 mm d'alésage x 60, moteur super-carré) dénommée "Type Armée". En effet, poursuit la revue pré-citée, elle "a été adoptée, après de longs essais comparatifs, par les services motocyclistes de l'armée". Adoption très discrète car, sauf erreur, personne, aucune gazette, aucun ouvrage sur la moto dans l'armée française n'a jamais signalé l'existence de motos Duten chez nos militaires. Il ne peut pas plus s'agir de motos "évaluées" par l'armée, c'est à dire admises à participer à une pré-sélection. En 1928, une quinzaine de marques avaient pu se présenter en vue d'essais, mais c'étaient toutes des 350 selon la volonté des militaires. Point de Duten parmi elles où on relevait pourtant la présence de marques d'importance modeste par leur capacité industrielle (La Panthère, Lucifer, Styl'son, etc).
Comme sur les Dé-Dé, on trouve sur la Duten un réservoir d'huile additionnel. La boîte à 3 vitesses est une Staub.
Si vous découvrez un jour une partie-cycle sans marque ni moteur, vous reconnaîtrez une Duten grâce à la poutre supérieure en acier matricé sous le réservoir.
Le Duten 231 à double échappement et allumage magnéto comporte un petit alternateur visible ici devant le carter-moteur et destiné à fournir l'éclairage. Le moteur fonctionne selon le même principe que les 175 précédents. Le carburateur est placé comme sur les deux-temps de façon classique, mais les gaz passent par un conduit qui débouche sur un orifice dans l'axe de la soie droite du vilebrequin ce qui fait fonction de distributeur rotatif. Par ailleurs, une lumière placée au niveau du point mort bas procure une admission supplémentaire en fin de course. Le petit-fils de Maurice Duten a signalé sur le forum LV Moto l'existence de plusieurs brevets déposés par son aieul. Deux d'entre eux, enregistrés aux États-Unis en 1921, sont visibles sur le vouèbe et concernent des améliorations apportées à l'allumage. Les autres se rapportent peut-être à des moteurs deux-temps. Qui se lancera dans la jungle des dépôts de brevets à l'INPI (Institut National de la Protection Industriel) ? Pour être complet et ajouter un peu de piment dans la recherche (...), on ajoutera que dans Le Monde Motocycliste déjà cité il est écrit que "La Maison Duten, surtout connue jusqu'ici (...) par sa participation importante à la lutte contre le feu au moyen de groupes motospompes perfectionnés, etc". La France compte plus de 250 000 pompiers, il va bien y avoir un dans le nombre qui s'est intéressé aux pompes Duten, alors on l'écoute !
On en restera là aujourd'hui avec le catalogue intégral Dé-Dé 1933 qui ne comporte pas moins de 15 modèles ! La marque a rejoint les Ets Eichel Frères déjà à la tête de Prester (Jonghi) et spécialisés dans le sauvetage des entreprises en difficulté.
Précisons enfin que tout ce qui était disponible sur Dé-Dé et Duten figure ici et que les questions subsidiaires ne seront prises en considération que si elles apportent des lumières sur ces marques. Merci de prendre note que le blog Zhumoriste n'est ni un forum, ni une banques de données...
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