Lancée dans l'enthousiasme en 1904, la Coupe Internationale du Motocycle Club de France, qui entre temps aura changé de nom, s'est terminée dans une totale confusion lors de sa troisième et dernière édition en 1906. Cette Coupe était née de la volonté de créer un équivalent motocycliste à la déjà fameuse Coupe Gordon-Bennett automobile. Le M.C.F. avait donc invité les pays européens à engager dans son épreuve sur circuit routier trois pilotes avec trois motos entièrement construites dans leur pays d'origine. Grande-Bretagne, Autriche-Hongrie, Danemark, Allemagne ont répondu à l'invitation. Disputée dans la région de Dourdan, la première édition est remportée par Demeester (Griffon bicylindre en V) qui n'a pourtant pas été épargné ainsi que les autres concurrents par les crevaisons dues à des malveillants. L'organisation de la Coupe suivante revenant au pays vainqueur, Dourdan est à nouveau le cadre de l'épreuve en 1905. Nouvelle occasion de conflit à l'arrivée lorsque Demeester arrivé second est déclassé pour avoir changé de roue à cause d'un éclatement sur crevaison. Mais le vainqueur est sans conteste Wondrick avec une Laurin-Klement austro-hongroise. Le troisième round de 1906 aura donc lieu en Bohême avec Patzau (aujourd'hui Pacov) comme point de départ. Ici commence le film avec des documents inconnus d'origine tchèque et jusqu'ici jamais publiés dans la presse de l'époque, française ou britannique.
Un paquet de ministres patronnait cette Coupe Internationale (le M.C.F. a disparu), sans oublier l'autorité militaire qui s'est déplacée jusque sur la "piste" avec femme et enfant. Prudemment, les élégantes se tiennent à l'abri du soleil sous les velums de la tribune officielle. Le coin "atelier" de l'équipe René Gillet, seule marque française à avoir fait le déplacemment avec trois machines. L'une d'elles est en "révision générale" au premier plan.
Le pesage de type plutôt rustique d'une machine de marque non identifiée : elle est accrochée à une balance romaine suspendue à un madrier posé sur deux échelles-doubles. La course était ouverte aux motos de 50 kilos maximum. La main d'œuvre bénévole ne manque pas.
Le "team" anglais avec Harry Collier (à droite) sur Matchless Motors comme il est écrit sur son jersey immaculé. L'autre jersey appartient à son frère Charlie également sur Matchless. Le troisième pilote est Franklin (JAP). Selon le site techèque, le personnage à droite (canotier) serait le représentant de la Grande-Bretagne, le marquis Joseph de Mouzilly St-Mars dont on ne connaît aucun autre portrait. C'est lui qui, sur le chemin du retour en compagnie des pilotes britanniques, aurait lancé l'idée d'une organisation qui allait devenir l'Auto-Cycle Club. Pour l'anecdote on saura que si la noblesse française a compté des Mouzilly d'une part et des Saint-Mars d'autre part, la réunion des deux titres serait une invention du personnage lui-même. Français ? Britannique (émigré protestant) ? Impossible d'en savoir plus en l'absence de tout acte de naissance... Son vrai titre de gloire est d'avoir "inventé" le Tourist Trophy et de l'avoir doté d'un superbe objet d'art représentant Mercure, dieu des marchands et des... voleurs. Il sera le deuxième président de la Fédération Internationale des Clubs Motocyclistes.
Autre photo de H. Collier. La "jupette" blanche à volants qu'arborent les pilotes leur sert de... dossard à numéro.
L'Autrichien Wetzka sur Puch partira le premier comme l'atteste le numéro 1 sur sa cuisse.
Enfin une photo d'une René Gillet de course des premiers âges qui utilisent toujours la transmission par courroie plate. Le pilote est Taven(e)aux qui passera bientôt à l'automobile. Ses co-équipiers étaient Lalanne et Fauvet. Aucun d'entre eux ne terminera : Tavenaux cassa une roue, Fauvet abandonna sur chute comme Lalanne qui y laissera une de ses rotules.
Kolowrat sur une Puch lors de l'épreuve éliminatoire destinée à désigner les trois pilotes autrichiens qui devaient représenter leur pays dans la Coupe. Arrivé dernier, lui-même ne fut pas l'un des trois sélectionnés. Sa machine est identique à celle du futur vainqueur. Tout a été fait pour maintenir le poids en dessous des 50 kilos réglementaires, tout, y compris des perçages dans la poulie-jante. Cette photo est pour moi l'occasion de rectifier une grave erreur dans la description
que j'ai faite de cette machine, page 271 de mon livre "La Motocyclette en France 1894-1914". Contrairement à ce qui est écrit, il est évident que ces Puch modèle 1906 sont d'une architecture très différente de celle des Laurin-Klement de la Coupe 1905. Les Puch ont un moteur bicylindre en V disposé de façon classique. La confusion vient d'une photo publiée par la revue française "La Vie au Grand Air" représentant Nikodem sur une Puch (ci-contre), soi-disant de 1906 et qui était en réalité une vraie Laurin-Klement "maquillée" par l'inscription Puch sur son réservoir. Il est probable que la VGA ne disposant pas de photo de l'épreuve de 1906 s'est livrée à cette petite supercherie passée inaperçue de ses lecteurs et de la postérité (dont le Zhumoriste). Mea culpa, donc ! Je dirais même plus : maxima culpa ! Mais devant le tribunal de l'Histoire, je plaide les circonstances atténuantes...
À en juger par les chapeaux et les ombrelles, cette vue générale du départ révèle bien que la compétition motorisée est un événement mondain plutôt que populaire. La moitié du plateau figure ici avec, de gauche à droite : C. Collier (Matchless), Obruba (Puch), Fauvet (René Gillet 6), H. Collier (Matchless) et l'avant de la machine de Nikodem.
À l'aide du téléphone (ou morse ?) l'armée assure les liaisons avec les différents postes de contrôle du circuit. Quatre soldats pour un gradé, la norme internationale est respectée.
Pendant ce temps, le dos à la piste le gratin se désaltère...
Passage de la Puch de Nikodem devant la tribune sur un sol qui est loin d'être lisse et ne permettra pas des vitesses très supérieures à celles des précédentes Coupes.
Beaucoup de monde pour la photo à l'arrivée de Nikodem, casqué, au centre. Le photographe a privilégié les personnages, au détriment (pour nous aujourd'hui) de la lisibilité de la Puch. Là encore, on remarque une majorité de chapeaux et peu de casquettes...
Superbe plaquette commémorant l'épreuve de 1906 et aux armes de la ville de Pacov.
La référence à la Coupe Gordon Bennett est on ne peut plus directe dans cette publicité qui célèbre la victoire de la Puch. Nikodem suivi de son compatriote Obruba ont écrasé la concurrence des "Francii", des "Anglii" et des "Némecku" (Allemands). Sur 10 pilotes au départ, deux autres seulement ont terminé, H. Collier et Retienne, unique allemand à avoir pris le départ sur Progress.
Toutes les photos ci-dessus proviennent du site www.motocrosspacov.cz
Cependant la Coupe ne se terminera pas simplement sur l'arrivée de Nikodem. Immédiatement le marquis de Mouzilly Saint-Mars, délégué britannique, dépose une réclamation appuyée par la France mais sans l'Autriche (natürlich !) ni l'Allemagne (re-natürlich !). Motif : la firme Puch aurait fait circuler sur le circuit des "voiturettes de côté" (sidecars) chargés de pièces de rechange afin de porter secours aux pilotes autrichiens en éventuelle détresse. Il y aurait eu aussi des épandages de sable sur la route avant le passage de certains concurrents ! L'affaire sera portée au plus haut niveau des instances sportives M.C.F. puis Fédé Internationale. Aux dernières nouvelles on attend toujours leur décision... Seul résultat : après ces trois éditions, la Coupe n'existe plus.
P.S. : la photo ci-dessus ne représente pas l'un des sidecars incriminés. Ce n'est qu'un exemple d'attelage qui était déjà courant en Autriche au début des années 1900 et que René Gillet (tiens, tiens...) va promouvoir bientôt chez nous.
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