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Auguste Roubille (1872-1955), motocycliste de la première heure

Roubille Werner afficheIl fut un temps où les constructeurs de motocyclettes, comme tous les autres commerçants, n'avaient que peu de moyens publicitaires à leur disposition pour vanter leur production. Encarts publicitaires dans les journaux et affiches, d'intérieur (dans les magasins), ou à l'extérieur (sur les murs des villes). La lithographie étant la règle pour l'impression des affiches, il fallait que les sujets choisis soient traités de façon simple mais directe pour le maximum d'efficacité. Ce qui n'excluait pas un caractère artistique parfois très marqué car on faisait appel aux meilleurs "pinceaux" de l'époque. Auguste Roubille (1872-1955) fut l'un d'eux, auquel Werner confia la réalisation de l'affiche ci-dessus au thème surprenant : une demoiselle tient l'Amour captif dans sa remorque alors qu'un faune est en embuscade à l'arrière-plan. Affiche reprise en couverture du catalogue Werner 1902.

Roubille Les souverains 1910Illustrateur, peintre, affichiste, Roubille était aussi caricaturiste mais toujours avec la touche "art nouveau" dont il fut un maître. Un "art nouveau" que les Français ont immédiatement traduit par "modern style", se soumettant ainsi à l'anglomanie galopante de ces années. La vignette ci-dessus intitulée "Les Souverains" représente les rois des diverses cours d'Europe, avec au milieu l'ami de la France (et des Françaises...), le très reconnaissable Edouard VII. Les autres, surtout celui qui roule à moto, ne sont pas identifiés car le document est de trop petite taille (si quelqu'un les reconnaît...). Roubille avait presque un style différent pour chaque sujet qu'il traitait. Et si on le retrouve dans la fresque ci-dessous (une double page de la revue "Le Rire") datant des "années Werner", on voit que sa patte dans la vignettes des "Souverains" est toute différente, alors qu'elle n'est datée que de 1910.

roubille 1902 doubleNotre bonhomme a connu une longue et active carrière puisqu'on le retrouve en 1930, encore une fois inspiré par la motocyclette qu'il traite de façon humoristique, en harmonie avec la revue qui l'accueille. 

Fantasio tout037Mais cette fois la moto l'a tout de même moins inspiré que la cabriole de l'écrasé ou la fuite de la vache. Cependant, Roubille n'a pas été qu'un aimable artiste détaché des contingences de l'existence. C'était un artiste libre qui s'est senti concerné par bien des misères et les injustices qui affligeaint ses concitoyens...

Fantasio Roubille038... et un artiste révolté avait alors bien des moyens d'exprimer sa colère par ses dessins, ses peintures qui, tout naturellement trouvaient leur place dans de nombreuses revues comme Le Sourire, Le Rire, La Baïonnette et la très fameuse Assiette au Beurre, tant de fois saisie ou interdite par les autorités. 

enseignemen tliberte roubille-1-1223660256"L'autorité", c'est justement ce que Roubille détestait et il le montre dans ce dessin de "L'Assiette au beurre" où la République dispute à la Religion l'éducation d'un gamin qui, de son côté, tire la morale de l'histoire : "Qu'elle soit noire ou rouge, une bourrique sera toujours une bourrique". Oui, on n'y allait pas de main morte à L'Assiette au beurre ! (600 numéros de 1901 à 1913). Le trait était gros, mais il portait, au point que certains des artistes qui y travaillèrent se retrouvaient souvent en prison (Delannoy, Grandjouan), pour "atteinte au moral de l'armée" ou "insulte à la religion", voire "pornographie". Il y eut même un numéro de la revue qui fut titré quelque chose comme, je cite de mémoire : "Entièrement réalisé en prison !"…

mis chevalp6 q16Roubille était sensible au sort cruel infligé aux enfants-martyrs, aux chômeurs, aux animaux, en particulier ceux qui étaient utilisés à tirer des wagonnets de charbon à des centaines de mètres sous terre. Son dessin est accompagné de ces mots :

"UNE FIN - Dans la mine, jusqu'à mon dernier souffle, sans avoir jamais revu la lumière du jour..."

mis chevalp13 q4Mais son esprit satyrique l'emporte dans cette scène où le cheval d'une chasse à courre semble venger le cheval de la mine :

- Eh bien non, je ne t'aiderai pas à assassiner le deux-centième cerf forcé sur tes terres pour la glorieuse fête de "la bonne duchesse... !

ventru f8 q30Les animaux, mais surtout les hommes contre lesquels s'exerçait une répression féroce lorsqu'ils ne voulaient pas reconnaître les bienfaits de la civilisation occidentale. Roubille souligne alors avec une dérision cruelle l'attitude des militaires avec ce dessin ainsi légendé : "... il faut bien admettre que quotidiennement des milliers de héros travaillent pour la gloire de la France."

roubille224fa... on se gardera cependant de le confondre avec une autre Roubille, prénommé Jacques, et versé dans des œuvres beaucoup moins sulfureuses, bien qu'il ait illustré "Les Fleurs du Mal" de Charles Baudelaire.   


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