LE "MIRACLE ÉCONOMIQUE" que connaît l'Allemagne "occidentale" depuis 1947 (aide du Plan Marshall) fait rêver à l'Est, où sévit la pénurie. La colère ouvrière enfle jusqu'à la révolte de Berlin de 1953. Les chars russes rétabliront rapidement la situation, mais le deuxième plan quinquennal (1955-1960) va porter sur l'économie plus que sur la politique qui était jusqu'alors les principal souci des dirigeants est-allemands. Une amélioration des conditions de vie se dessine. Le rationnement de certaines denrées disparaît. Les salaires augmentent légèrement. S'ensuit un accroissement de la production qui passe de 7 à 12 %. On parle même d'atteindre les résultats de la RFA ! Il est décidé d'accélérer les échanges commerciaux avec les pays du COMECON (COuncil for Mutual ECONomic assistance) réunissant, autour de la Russie tous les pays sous influence communiste. Ces échanges, par la suite, ne se limiteront d'ailleurs pas seulement aux "pays frères" comme on le verra plus loin.
Toujours venu "d'en haut", ordre est donné en RDA de construire une nouvelle 425 qui prendra le suffixe "S" en place du "T" de la précédente vieillissante. Cette dernière reprend le nom de Simson et a perdu les applications d'émail rouge dans sa présentation. Elle continuera d'être produite jusqu'en 1961 à raison de 124 000 exemplaires. En France, elle valait 205 000 F ce qui la plaçait très bien face à la concurrence tricolore. Outre la Jonghi ou la René Gillet - des 2 temps - on ne pouvait guère lui opposer que les diverses interprétations autour du 250 AMC à arbre à cames en tête (Alcyon, D.S. Malterre, Gima, etc) proposées autour des 250 000 F. Sa rivale directe, la BMW 250 de 12 ch également voguait dans les espaces infinis à 270 000 F, soit à peine 1000 F de moins que l'autre star de l'époque, la NSU Max de 15 ch.
BIEN PLUS QU'UNE SIMPLE MISE À NIVEAU
Le chrome partiel sur le réservoir semble n'être là que pour la photo sur la couverture de ce catalogue de 1956. Dans la série, le chrome sera remplacé par un panneau du même dessin mais de couleur claire qui pourrait être un gris métallisé.
C'est encore au Salon de Leipzig 1956, vitrine de la technologie est-allemande, que paraît cette "S" au goût moderne. De fait, elle ne détonne pas au milieu de la production européenne de l'époque, tant par la technique que par l'esthétique. Surtout comparée à la production anglaise dans la cylindrée où règne le deux-temps Villiers à côté des mornes monos de chacune des grandes marques (AJS, Matchless, Royal-Enfield, BSA, etc) guère performants.
Luxueuse présentation d'une "S" dans une couleur bordeaux (avec chrome) peu courante mais signalée sur un site. Il pourrait s'agir d'une restauration un peu trop "occidentale" révélée aussi par les clignotants. Les sièges séparés, que l'on retrouve sur des MZ, étaient fournis par une entreprise est-allemande.
Pour rappel, une vue de la 425 "Touren" qui permet de bien voir ce qui la distingue de la "Sport" précédente. La comparaison souligne le côté "avant-guerre" de l'aïeule. Au second plan, on remarque une Maïco en version militaire.
Passé de 12 à 14 chevaux, le moteur "S" toujours carré de 68 mm x 68, a été revu comme le montrent les détails de la culasse dont le couvercle présente un original plan incliné qui a gardé son secret. L'ailettage anguleux est aussi plus volumineux améliorant le refroidissement.
Sur la 425 T, les culbuteurs (à gauche) avec leurs ressorts de soupapes en épingle sont dans des logements séparés au contraire de ceux du modèle "S" qui ne demandent qu'un couvercle commun avec une fixation simplifiée. On peut supposer que la lubrification de ces pièces en a été améliorée.
Le plan incliné de ce couvercle est bien visible ici, de même que le kick dont la partie caoutchoutée se replie vers l'intérieur à 180°. L'augmentation de puissance a été aussi obtenue par un nouveau vilebrequin, bielle et piston monté dans un cylindre en alliage chemisé fonte alors que celui de la "T" est tout fonte.
"LA MOTOCYCLETTE POUR LE CONDUCTEUR PRÉTENTIEUX - LA MOTOCYCLETTE POUR VOUS", tel était la première phrase d'accueil du dépliant en français de l'AWO 425 S, employant des termes mal traduits mais qui se voulaient convaincants. En traduisant "prétentieux" par "exigeant", le slogan aurait perdu de son arrogance aussi involontaire qu'agressive.
"Prétentieux" ce jeune possesseur d'une 425 S ? Allons-donc ! Plutôt fier de sa machine qu'il a personnalisée par un petit saute-vent alors que lui-même présente la tenue type du "motard européen sans frontières".
Pleine page de publicité dans Moto Revue d'octobre 1956
En 1956, la MZ 250 était affichée à 260 000 F contre 249 000 F pour la 425 S, toutes deux chez Pierre Bonnet l'importateur exclusif des marques est-allemandes. Lequel, qui avait oublié d'être idiot, pêchait par omission en mentionnant dans ses descriptifs publicitaires que ses machines étaient "Importées d'Allemagne", précédant une réunification encore à venir (1989-1990). La magie de la qualité allemande l'emportait alors, malgré un mark fort plusieurs fois réévalué.
Après bien des vicissitudes, le moteur deux-temps est devenu enfin aussi fiable et aussi puissant que le quatre-temps dans les petites et moyennes cylindrées (Ce n'est pas par hasard que Yamaha "étudiera" le twin Adler...). Le marché européen de la moto s'est enrichi de nouvelles (ou renaissantes) marques allemandes dont l'agressivité commerciale se porte sur les États-Unis où s'annoncent les prémices de ce qui va devenir la moto-loisir.
Avec 17 ch, la concurrence en 250 devenait féroce et la course à la puissance ne faisait que commencer en attendant que le relais soit pris par les japonaises.
Les Britanniques vont exporter leurs grosses cylindrées monos ou twins. Les Allemands (de l'Ouest) font de même dans une moindre mesure, n'ayant à proposer dans cette catégorie que leurs flats BMW ou Zündapp. Mais dès qu'on descend en gamme, dans les 175-250, les marques germaines se bousculent. principalement dans le créneau sportif. Ainsi de Adler, DKW, Horex, TWN, Hercules (devenues Outre-Atlantique les mystérieuses J-Be), NSU, Zündapp, etc, entraînant dans leur sillage les tchèques JAWA, CZ et même les Pannonia ou Danuvia hongroises.
En 1958, John Penton (sans rapport avec le créateur de la marque de ce nom sous laquelle se vendaient les KTM) triomphe de 447 concurrents dans un ultime enduro de 500 miles. Il remporte ainsi le "Number One 1958" de la spécialité avec sa NSU Maxi 175 cm3 (12,5 ch).
L'Italie est aussi sur les rangs avec Ducati, Rumi, Guzzi, Parilla, Benelli, etc. Il est beaucoup plus surprenant d'y trouver... AWO !
Première publicité AWO dans American Motorcycling de juin 1957. Ce mensuel de la côte Est, émanation de l'A.M.A. (la fédération américaine), fournissait principalement des informations commerciales sur le marché motocycliste, des résultats sportifs ainsi que les communiqués officiels de la Fédération.
Entre 1957 et 1959 est lancée dans la presse spécialisée américaine une campagne de publicité avec l'annonce ci-dessus, toujours la même. On se demande comment, par quelles contorsions/corruptions commerciales, administratives, douanières et... politiques une usine est-allemande a pu vendre ses machines au royaume du capitalisme ? Ce placard de publicité paraîtra de façon aléatoire jusqu'en 1959. Après une interruption de quelques mois, une nouvelle annonce paraît en août 1960 mais sur une surface bien moindre, sur une colonne.
Présentée par un nouvelle importateur, elle partage cette petite surface avec les MZ 250 et 125. C'est la dernière fois qu'il sera question de l'AWO 425 dans la revue de l'A.M.A. où déjà pointe la relève nippone...
La 125 Honda CB 92 Super Sport offre déjà 15 ch, autant que l'est-allemande du double de cylindrée. De plus, un kit propose de porter la japonaise à 150 cm3 pour la pousser à 16,5 ch.
En RDA, le plan quinquennal 1955-1960 n'ayant pas donné les résultats escomptés, un nouveau plan septennal 1959-1965 est lancé. Il va être fatal à l'AWO 425 S qui disparaît en 1961 alors que la "T" avait été abandonnée un an auparavant. À Suhl, la production va se concentrer sur les cyclomoteurs et scooters Simson, tandis que les cylindrées 125 et 250 sont réservées aux motos MZ... deux-temps.
La production totale des AWO 425 s'élève à 208 000 unités dont 84 000 pour la version "S". Un site français plus optimiste annonce 350 000 exemplaires...