Après une tentative lancée en 1947 par Robert Adnet président du Motor-Club, c'est l'Association Motocycliste de la Seine qui arrive à convaincre M. François Morel de louer sa carrière afin d'y organiser des épreuves de moto-cross. Il fut d'abord question pour l'A.M.S. d'acheter le terrain, mais devant le succès des premières réunions, Morel ne fut plus vendeur. Pourtant, à l'orée des années 50, ce bien n'avait que peu d'intérêt car bouleversé en surface comme en profondeur. L'intérêt viendra plus tard au terme d'une décennie épique. Mais la moto n'y aura plus sa part.
Exploitée depuis 1864, la carrière de gypse (fournisseur de plâtre) de M. Morel est déjà largement entamée en 1906 - ou 1908 ? Une partie de ce plâtre est utilisée dans la construction des murs du "Clos des pêches", une spécialité des Montreuillois qui vont vendre leur récolte à Paris. Le mûrissement des fruits est accéléré par la chaleur du rayonnement solaire renvoyé par les murs. L'industrie du plâtre s'est considérablement développée en France, particulièrement à Paris, à la suite du Grand Incendie de... Londres en 1666. Pour éviter une telle tragédie, un édit de Louis XIV promulgué en 1667 prescrivit l'usage du plâtre, reconnu ignifuge, dans le revêtement extérieur et intérieur des habitations.
L'usine de traitement du gypse est proche du site d'extraction qui se trouve vers la droite, en prolongement de la pente du premier plan (carte postale de 1912). Les personnages se trouvent sur la butte boisée que l'on distingue dans le fond à droite sur la carte postale ci-dessous.
Ce qui va constituer les "Buttes à Morel" bordées par une imposante falaise se profile en clair en haut au milieu de cette carte. La vue doit dater des années 20, époque au delà de laquelle l'exploitation du gypse cesse brusquement. Suite à un conflit avec ses ouvriers qui s'étaient mis en grève, Morel ferma son entreprise. La carrière restera en l'état jusqu'à la fin de la Deuxième guerre et se comblera partiellement sous l'effet des érosions et éboulis naturels. Les abords commenceront à être urbanisés.
C'est à ce jour le plus ancien document connu d'une épreuve de moto-cross à Montreuil. Pas encore de banderoles publicitaires, pas plus de protection des spectateurs déjà nombreux, l'improvisation paraît totale dans une poussière dense. L'excavation centrale va se combler progressivement. En haut à gauche on aperçoit le début des "Trois buttes".
Un plan du circuit des années 50 permet de se repérer à peu près. La ligne de départ se trouve dans la ligne droite qui longe la "falaise" que l'on retrouve ci-dessous. Après le premier grand virage à gauche, les coureurs descendent dans "la Fosse aux Loups". Le souterrain, vestige de l'exploitation en galeries, permettait l'accès au parc des coureurs avec leur matériel.
Photo un peu plus tardive de 1949/50 avec le départ/arrivée à droite où, au milieu de la piste, un commissaire tient le drapeau à damier. Le public est de plus en plus nombreux mais pas mieux protégé, surtout sur les pentes dominant la "falaise" !
Le parc des coureurs avec des machines encore hétéroclites, issues pour la plupart des surplus des armées alliées ou allemandes : la 70 est une AJS ou Matchless, la 22 est une NSU 250. Une 250 Terrot, sans doute celle d'Adnet est visible dans le coin gauche. En haut à gauche, l'amorce de ce qui est encore la grande descente, avant de devenir...
... la Grande montée lorsque apparaîtront des vraies machines de moto-cross plus puissantes comme cette Gold Star pilotée par Schmidt précédant la Velocette d'Amedeo (1956). Les banderoles publicitaires sont plus nombreuses, mais il semble que le public est plus clairsemé. Peu à peu, le moto-cross a essaimé vers les provinces et Montreuil a perdu de sa suprématie.
Lorsque le temps est à l'humidité, la Grande montée réserve toujours des surprises (mauvaises).
Radical changement de décor car les Buttes à Morel accueillent désormais des courses de stock-cars très populaires et plus lucratives pour le propriétaire du terrain. Il a donc fallu aplanir le centre de la cuvette et créer un circuit intérieur délimité par des bottes de paille. Les crossmen en font le tour avant de repartir sur des portions du reste du circuit.
Vue générale prise depuis le haut de la Grande montée. L'anneau central créé pour les voitures qui y tournent en rond est limité par un talus extérieur et un autre plus petit à l'intérieur. Au milieu, un espace destiné à recueillir les voitures accidentées. La dernière page de l'histoire du moto-cross à Montreuil se tourne...
En 2000, la nature avait encore quelques droits... (Photo A. Petzold)
... mais le béton a fini par l'emporter presque entièrement... (Photo Sihna)
... sauf en certains endroits où le sous-sol par trop instable n'a pas permis de constructions importantes. On remarque que de nos jours encore les sportifs continuent de tourner en rond sur la piste du stade (Photo Google Earth de 2011, retournée nord/sud pour permettre la comparaison avec le dessin du circuit ci-avant).
Avertissement en 1997.