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Lurquin-Coudert : du nouveau

 

Une recherche plus pointue a apporté de nouveaux éléments dans l’histoire de Lurquin-Coudert, plus particulièrement sur ses participations aux compétitions. Pour une marque d’importance modeste comme L & C, elles ont été assez nombreuses. Mais le but recherché n’était pas tellement de remporter une victoire que de pouvoir faire état de cette présence dans une épreuve importante. Cette présence pouvait ensuite être exploitée dans des publicités où l’affirmation l’emportait souvent sur l’information. Annoncer qu’on avait terminé deuxième ou troisième n’était en rien mensonger, sauf si l’on « oubliait » de préciser qu’il n’y avait que quatre concurrents contre soi… Cette pratique n’est d’ailleurs pas l’apanage de Lurquin-Coudert, et il faut souligner que Charles Coudert a eu le courage de se présenter contre un adversaire bien plus fort que lui. En effet il devait savoir que ses chances étaient minces avec sa quart ou tiers-de-litre contre un Derny,1903 Gladiator fur blog GPlan348La Clément (ici en version-sœur de chez Gladiator) figurait au catalogue 1903 dans une version "civilisée" avec garde-boue aux deux roues, un frein avant à enroulement et, surtout, un pédalier. À 1200 F, elle était de 25 à 40 % plus chère qu'un modèle classique d'une autre marque, mais sa distribution particulière avait un prix...

la terreur des « moins de 30 kilos », qui montait une redoutable Clément bicylindre en V de près de 600 cm3 et à soupapes d’échappement culbutées. À deux reprises, comme on verra plus loin, sa Lurquin-Coudert est classée immédiatement derrière la Clément en côte. L’usage des pédales n’y était pas à dédaigner, surtout que la Clément n’a jamais été vue nantie d’un pédalier, mais la performance n’en est pas moindre pour autant. En vitesse il en va autrement, et on le constate à Deauville, première apparition de Coudert dans une épreuve du genre, d’ailleurs signalée dans le dépliant L & C de 1904 dont il a été question précédemment (voir l’article du 22/02/2012).

C’est la revue La Locomotion qui a publié un reportage complet (3 pages et demie) sur l’épreuve du kilomètre lancé à Deauville, deuxième du nom. Elle s’est disputée le 26 août sur la terrasse qui borde la plage, convertie pour l’occasion en piste de vitesse : 600 mètres de lancememnt puis 1000 mètres auxquels s’ajoutent 300 mètres « pour s’arrêter ». Le reportage commence avec les essais du matin et décrit « Un joli pêle-mêle de véhicules qui se suivent, se passent, se croisent à des allures folles et font appréhender de redoutables collisions (tandis que) ces dilettantes du volant trouvent encore le moyen d’adresser un signe amical aux amis reconnus au hasard, dans l’affluence des curieux.» Après le déjeuner, les motocyclettes prennent la piste avec, en ouverture, les « moins de 30 kg », les catégories étant alors constituées de façon peu logique : moins de 30 kg ; de 30 à 50 kg et enfin "motocycles" (maximum 250 kg !). Encore débutant dans le sport motorisé – il n’est pas le seul ! – Coudert… participe. Il figure au classement de ce premier affrontement remporté par Barré sur Bruneau en 49’’ 3/5 (72,580 km/h) ; Derny est deuxième sur Clément en 1’ 5’’ 2/5 ;… Coudert sur Lurquin-Coudert est sixième en 1’ 7’’ 2/5 – 9 pilotes classés. Coudert est moins chanceux chez les 30 à 50 kg où Barré sur Bruneau gagne encore en 43’’ 1/5 (83,333 km/h) ; Lamberjack le suit sur Lamberjack-Demester en 44’’ ; Labitte est troisième sur Werner en 47’’ 2/5. On trouve Coudert loin, à la douzième place avec un temps de 1’ 7’’ 4/5, donc proche de celui réalisé dans la course précédente – 14 pilotes classés.

Les vitesses sont déjà importantes pour des machines qui ne sont jamais que des bicyclettes dotées d’un moteur. Mais elles paraissent encore devant la machine du jour, le « motocycle » (entendre tricycle) de Rigal qui a propulsé les 205 kg de son Buchet à 125 km/h ! Ses deux moteurs, à l’échappement culbuté, sont accouplés parallèlement et atteignent la confortable cylindrée de… 4245 cm3. Pas facile à maîtriserBuchet tri Rigal 1902

Point besoin d'ailettes sur le Buchet de Rigal qui ne courut jamais que sur de courtes distances.

Buchet Rigal Deauville995semble-t-il car il est arrivé que Rigal soit obligé d’accrocher un lingot de 20 kg de plomb à sa fourche Truffault pour atténuer des ruades intempestives ! Hélas, ce record sera de courte durée. Devant le nombre de réclamations, car les vitesses atteintes à Deauville dépassaient de très loin toutes celles établies précédemment dans d’autres épreuves, la Commission sportive de l’Automobile Club de France décida l’annulation pure et simple de tous les résultats aussi bien en automobiles qu’en motocyclettes !

Le mardi 2 septembre 1902 au Bois de Boulogne, l’A.C.F. organise un km départ arrêté en l’honneur du Chah de Perse. La pluie tombée dans la nuit et la matinée a transformé en « un véritable marécage », écrit La Locomotion, le parcours choisi autour de l’hippodrome de Longchamp jalonné de policiers dirigés par le préfet Lépine en personne. À 4 h 30 débutent les  courses, motocyclettes en tête dans la catégorie des 30 kg qui a rassemblé 4 concurrents. Coudert (Lurquin-Coudert) arrive premier en 1’ 15’’ 3/5, suivi de KotskaChah au Bois 1902 sur La Française en 1’ 16’’ 1/5. Le troisième est Remay sur Davis en 1’ 21’’ 1/5. Le dernier est Pelletier sur Pelletier en 1’ 33’’ (4 pilotes classés). En 50 kg, deux classés : Derny (Clément) devant Lamberjack (Lamberjack-Demester).

L'évènement sera jugé assez important pour que l'hebdomadaire à grand tirage Le Petit Journal lui consacre sa première page. Dommage seulement que le graveur n'ait pas choisi pour sujet le passage d'une motocyclette !                                                                                         Les automobiles se succèdent lorsque « Très impressionné par l’allure des véhicules, le Chah demande à s’asseoir et se fait bassiner les tempes avec de l’eau glacée. » Une demi-heure plus tard tout est terminé et on remballe. Dans La Locomotion, Adrien Gatoux écrira la morale prévisible de cette journée : « Nous croyons qu’il est impossible d’en tirer la moindre conclusion (de ces résultats) attendu que, sur un sol aussi détrempé, aucun concurrent n’a pu donner le maximum de vitesse. ». À la fin de ce même mois de septembre, le 21, la ligne droite de la côte de Gaillon (droite, mais avec du 7 % à 9 % finissant à 5 %) accueille un km lancé qui sera boudé par les concurrents. Il ne réunit qu’une vingtaine de motos et voitures, pas trace de Lurquin-Coudert.

 

C’est peut-être parce que 7 jours plus tard, le 28, il y a la côte rivale de Château-Thierry sur 1 km avec deux « coudes » et une pente à 8 % (départ lancé). Renonçant à la catégorie des 50 kg, Coudert fait deux montées en 30 kg. Il est battu, normal, par les deux Clément de Derny (1’ 3’’ 1/100 - 57 km/h) et Muller (1’ 34’’ 4/100) mais il arrive troisième (1’ 37’’ 2/100) puis quatrième (1’ 38’’ 3) avec la satisfaction de laisser derrière lui 9 autres concurrents. Mais, à nouveau, c’est un motocycle qui a soulevé l’enthousiasme des foules, celui de Loste, un Buchet identique à celui de Rigal, lequel a cassé 300 mètres après le départ. À la moyenne de 73,500 km/h, Loste se classe immédiatement derrière les 74,380 de la grosse Mors aux mains de Gabriel. La Locomotion consacre 3 lignes à l’exploit de Loste mais trois fois plus, 10 lignes, à une autrePécourt Jolivet Gaillon994Le port du corset, obligatoire car garant d'une taille fine, ne devait pas vraiment aider Mlle Jolivet à pédaler pour démarrer sa Pécourt.

 performance, celle d’une chauffeuse, « Mlle Jolivet, qui pilote avec une jolie hardiesse les engins de cette marque (Pécourt 1 ch ½ à moteur Z.L.), obtient un colossal succès pour la mæstria avec laquelle elle démarre et l’audace dont elle fait preuve. À peine a-t-elle franchi la ligne d’arrivée qu’officiels et officieux se précipitent pour la féliciter. Une très belle gerbe de fleurs est offerte à la charmante chauffeuse, tout heureuse de l’exploit qu’elle vient d’accomplir ». Encore ému sans doute, le journaliste de La Locomotion l’a oubliée dans les classements où elle aurait dû figurer selon lui entre Coudert I et Coudert II. Cependant, dans un dépliant publicitaire de la maison Pécourt il est écrit qu’à cette même épreuve elle a réalisé une moyenne de 30 km/h seulement…

La saison se termine par une nouvelle course de côte à Gaillon le 12 octobre. La sensation de la journée est signée par l’automobiliste Leblond qui réalise « du 100 à l’heure » avec un temps de 36’’, battant les Panhard-Levassor, Mors et autres Darracq. Mais encore plus que cette vitesse, c’est sa voiture qui étonne car sa Gardner-Serpollet fonctionnait… à la vapeur ! La catégorie des motocyclettes de 30 kg (10 classés) voit une nouvelle victoire du Clément bicylindre de Derny à 69,230 km/h. Le deuxième est notre Coudert à 44,887 km/h qui n’a pas concouru en 50 kg, clôturant là son année sur un palmarès plus que satisfaisant.

 

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