Le 28 février 1906, le Comité directeur de la Chambre Syndicale du Cycle et de l'Automobile reçoit la demande d'adhésion de Monsieur Charles Coudert, 17 rue Planchat (à Paris). Le candidat à l'adhésion est C. Coudert, "de la Maison Lurquin-Coudert" est-il précisé par le journal L'Industrie Vélocipédique & Automobile, organe édité par ladite Chambre et qui tire à plus de 12 000 exemplaires chaque semaine. Tout ce qui compte alors dans la locomotion motorisée adhère à cette Chambre présidée par A. Darracq avec pour vice-présidents MM. Chapelle (Industriel) et Bovet (de la Maison Peugeot) tandis que MM. Vauzelle, Félix Brosse et Onfray complètent le Bureau. Outre ces personnalités, on trouve dans le Comité MM. Chenard, Créanche, Bozier, Ducellier, Michelin, Terrot, Wolber, Le Métais, Renard, etc, soit un total de trente-sept adhérents.
Présenté au Comité par ses parrains, MM. Vidard et Bozier (du changement de vitesse de même nom), Charles Coudert est admis le 28 mars suivant "après l'enquête d'usage". Cette information est importante car c'est la première fois que le nom de L & C apparaît dans une publication officielle et en dehors des classements d'épreuves sportives. Séparement, les noms de Lurquin ou de Coudert étaient également absents. Consultée, la collection 1905 de L'Industrie V & A ne mentionne rien de la marque qui ne figure pas plus dans les pages d'annonces publicitaires. L'information est importante par ailleurs car elle prélude à d'autres changements.
Un indice était déjà donné le 10 février 1906 lorsque, dans le cadre d'un article sur le tricar, L'Industrie Vélocipédique et Automobile publiait une brève description d'une vingtaine de lignes sur le tricar Lurquin-Coudert accompagné d'une photo. Procédé inhabituel qui "normalement" s'accompagne d'un encart publicitaire dans le même numéro ou, au pire, dans le suivant. Rien de tout cela ne se produira. Il faut attendre le numéro de L'Industrie V & A daté du 29 septembre 1906 pour apprendre à la rubrique "Cessions de Fonds" que : "MM. Lurquin et Coudert ont vendu à M. Lacour leur fonds de bicyclettes, 19, rue Planchat, Paris - Opposition: 2, rue Ballu". Le 3 novembre suivant, le nom de C. Coudert ne figure plus dans la liste des membres de la Chambre, tandis que paraît celui de Lacour & Cie.
Les archives de Jean-Luc Lamouroux (dont l'enthousiasme convaincant est, je le rappelle, à l'origine de cet "historique de poche") et les miennes sont muettes sur la production L & C de l'année 1905. J.-L. Lamouroux a néanmoins connaissance d'un brevet déposé le 25 avril 1905 aux noms de MM. Edmond Lurquin et Charles Coudert qui, selon toute vraisemblance sont les associés qui nous intéressent. Ce brevet porte sur un "Dispositif de suspension élastique des roues de cycles et motocycles" qui sera traduit dans les faits très rapidement puisque les machines de 1906 peuvent en être pourvues. Maigre récolte qui nous pose une question : n'avons-nous pas su mieux chercher ou y-a-t'il une réelle absence de documents sur la période ? En attendant une (des) réponse(s), il nous faut improviser avec ce dont nous disposons. Au bas du dépliant ci-dessous figure une mention manuscrite "15 Février" (donc de 1906) qui surcharge l'annonce du "catalogue illustré" qui aurait dû paraître le 20 janvier (1906). Ceci laisse supposer que le présent catalogue-dépliant a été distribué au Salon de 1905, en octobre, où la présence de L & C en tant qu'exposant est attestée par des articles dans la presse. Or ce dépliant montre des machines dont le(s) moteurs sont fondamentalement différents de ceux de 1904. Comme ils n'ont pas pu être projetés, dessinés, construits à la veille du Salon 1905 (octobre) ils ont probablement constitué le programme de cette année 1905 sur laquelle nous ne possédons aucun document.
Les puissances indiquées par les constructeurs de l'époque sont fluctuantes et ne seront sérieusement établies que dans les années 10 grâce à la création de catégories en compétition. Dès 1907, Lurquin-Coudert est consciente du problème et adresse une lettre à l'Association Générale Automobile "signalant l'intérêt de fixer des cylindrées-type". Message bien reçu par l'Association qui décidera "qu'à partir du 1er Janvier 1908, elle n'approuvera plus de réglements de tricars et de motocyclettes que ceux prévoyant l'une des trois cylindrées-type : 1/4, 1/3 et 1/2 litre". Mais la multiplicité des clubs, associations, journaux et autres municipalités organisant des épreuves sportives entravera pendant encore quelques années la généralisation de cette réglementation.
En extrapolant à partir de l'indication donnée dans le palmarès L & C accompagnant la photo de la monocylindre (voir plus loin ci-dessous), selon laquelle 3 CV 1/2 = 1/3 de litre (soit plus ou moins 350 cm3), on peut estimer que chez L & C une 5 CV = 500 à 600 cm3 et 7 CV = 750 à 1000 cm3. Ceci étant "modulable" car chez d'autres marques, une 3 CV 1/2 est une 500 alors qu'une 5 CV fait 750 cm3...
C'est la photo de ce tri-car qui illustrait l'article de février 1906 dans l'Industrie Vélocipédique et Automobile. Venu semble-t'il de Grande-Bretagne, le tri-car ne connaîtra qu'une courte carrière, tué par l'éclosion de voiturettes aussi légères que peu coûteuses. Mais leur carrosserie protectrice aura l'agrément des dames et de certaines catégories de la société dont les membres devaient être soucieux de leur tenue en toutes circonstances (médecins, ecclésiastiques, officiers militaires, etc).
Sorti de nulle part, ce gros bicylindre de 5 ou 7 chevaux (le doit-on à C. Coudert ?), offrait une suspension intégrale, moyennant de confortables suppléments : coulissante à éléments télescopiques à l'arrière (voir BMW Serie 2 !!!) tandis que l'avant illustre le principe à roue poussée sur courtes biellettes que René Gillet, Harley-Davidson et d'autres populariseront un peu plus tard. En résumé, cette machine est relativement moderne comparée à la concurrence.
La même bicylindre en plus gros plan. À ce jour, on n'en connaît aucun exemplaire survivantMoteur tout nouveau également sur cette monocylindre de 3 chevaux correspondant à un tiers de litre si l'on en croit sa participation au Criterium de ce nom. On remarque que le palmarès fait essentiellement mention d'épreuves sur longues distances. Y compris dans le Londres-Exeter-Southampton, où s'est peut-être illustré (ci-dessous) le gentleman so british au guidon de cette Lurquin-Coudert à l'immatriculation d'Outre-Manche.Dans un ouvrage contemporain sur l'histoire de la moto, signé par deux auteurs britanniques, J.-L. Lamouroux a trouvé une information selon laquelle une marque anglaise "Leonard", constructeur de motos, a pris le nom de Lurquin-Coudert en 1904. Outre le fait que les sources historiques anglaises sont sujettes à caution s'agissant de la période "préhistorique" de la moto, et qu'elles le sont encore plus lorsqu'il est question de marques continentales, ces dernières avaient pour habitude de s'établir Outre-Manche sous de ronflantes raisons sociales, qui n'étaient souvent qu'une ordinaire représentation commerciale. On connaît ainsi des Griffon Motors Ltd, Werner Limited, ou pour la Belgique les V. Antoine Fils & Co ou Minerva Motors Ltd. Ce qui, en étendant son marché à l'étranger, permettait aussi de gonfler la "carte de visite" d'une marque dans son pays de naissance.
Coupe de l'un des deux éléments arrière qui constituent la suspension. En B, la partie qui coulisse dans A fixe et solidaire du cadre. B contient le ressort de suspension proprement dit et la tige D dont l'extrémité filetée comporte un écrou. En vissant ou en dévissant celui-ci, on agit sur le ressort F réglant ainsi la dureté du mouvement.
Légende des dessins : Cette SUSPENSION donne une très grande souplesse à la machine et permet de rouler à grande vitesse sur les plus mauvaises routes sans aucune (trépidation ?). De plus, cette SUSPENSION est expérimentée depuis deux années."
Les trois nouveaux moteurs de la saison 1905/1906. Le bicylindre en V de 5 ou 7 CV, le mono à refroidissement liquide de 2 CV 1/2, 3 CV 1/2 et 4 CV 1/2 pour usages industriels et enfin le 3 CV 1/2 à ailettes. Tous ont l'admission par soupape(s) automatique(s) et l'échappement "commandé" (latéral). Cependant, l'œil acéré de J.-L. Lamouroux a découvert un détail intéressant sur le carter du modèle à ailettes qui comprend deux sorties. L'une guide la queue de la soupape d'échappement et juste à côté un autre guide pourrait accueillir une autre queue de soupapes. De ce fait, ce moteur en recevant un autre cylindre et un autre arbre à cames devient un latéral, ce qui expliquerait le mystère des machines du Paris-Bordeaux 1904 que l'on ne revit pas ensuite, ni en compétition, ni au catalogue. Option possible au choix du client ou moteur spécial réservé aux coureurs "maison" ?
Le mono à eau est monté ici sur un socle en fonte (fourni par L & C) et sans pattes d'attaches, ce qui a pu inciter plus tard certains à l'installer dans une partie-cycle de moto formant ainsi un modèle qui ne figure dans aucun catalogue et prend rang de "bitza d'origine". Si bien que, suivant un slogan célèbre : "Çà a l'allure d'une Lurquin-Coudert, ça fait le bruit d'une Lurquin-Coudert... mais est-ce vraiment une Lurquin-Coudert ?". Exemple d'une machine avec le moteur à eau fixé par le haut du carter à l'aide de "croissants" (fournis au catalogue). La seringue L & C est la bonne, de même que le réservoir charcuté pour loger le radiateur d'eau. Le pédalier est un Peugeot au dessin caractéristique. La fourche a perdu son cache-guide dans la partie supérieure, au détriment de son bon fonctionnement. L'emplacement de la bobine est à revoir, de même que son logement et sa fixation. Encore un peu de boulot pour obtenir un résultat satisfaisant.
1907 : vers une nouvelle orientation
Pas moins de quatre tricars enrichissent ce catalogue qui tient compte du développement de ce nouveau motorisé. Ces Lurquin-Coudert sont désormais des véhicules à part entière avec leur propre châssis, alors que le premier modèle n'était que la transformation d'une motocyclette en tricar par adjonction d'un avant-train directeur. Cette différence explique aussi l'augmentation considérable du prix des nouveaux venus.
À noter que Charles Lacour apparaît pour la première fois sur un document commercial.
Cette moto de 2 CV "à soupapes automatiques" (sic) sera au catalogue jusqu'au début des années 10. La fourche suspendue par un système de ressorts à ciseaux" n'est pas une invention de L & C car elle se trouve sur d'autres marques Contrairement à ce que laisserait croire l'illustration, le réservoir est nickelé. Observation valable pour tous les modèles et aussi ceux de nombreuses autres marques. À ne pas oublier lors d'une restauration...
La même Légère photographiée au Musée Chapleur à Lunéville, transporté depuis à Amnéville. Parfaitement d'origine, bien sûr, n'était le boîtier manquant sur l'allumeur (sans doute retiré pour ne pas susciter les convoitises...). Le bas de la seringue-pompe à huile était caché par un panneau indicatif du musée.
Le palmarès est différent de celui de 1906, du moins est-il formulé autrement, alors que la machine est la même. L'allumage par magnéto est proposé pour la première, mais à un prix qui justifie bien la qualification de "Grand Luxe"
"Grand Prix 1905" ou "Grand Prix 1906", l'absence de toute autre indication ouvre la voie à toutes les suppositions. L'accumulation de suppléments commençait à rapprocher le prix de cette machine de celui des voiturettes qui finiront par tuer la formule du tricar.
Ce modèle "utilitaire" bénéficie d'un changement de vitesse Bozier à 2 rapports comme sur le modèle "Grand Tourisme" précédent, alors qu'aucune des motocyclcettes ne profite de ce progrès. Le Bozier était trop volumineux pour trouver place sur un deux-roues.
VOICI LE DEUXIÈME CATALOGUE DE 1907
Identique au modèle "provisoire" . On apprend enfin la cylindrée d'un 6/7 CV de chez Lurquin-Coudert soit 800 cm3 (80 x 80 x 2 cylindres), suffisant pour emporter les 285 kilos de la machine plus ses deux occupants
Ainsi qu'il était d'usage en automobile, L & C pouvait livrer un châssis nu. Libre à l'acquéreur de le faire compléter par une carrosserie de son choix.
Libéré de son habillage arrière, cette version "plein air" descendait à 250 kilos. Sans doute aussi avec le monocylindre 4 CV 1/2 de 500 cm3 (84 d'alésage x 90). Curieusement, il est question du débrayage au pied ou à la main, mais il n'est nulle part fait allusion au freinage.
Le même que le précédent mais en version commerciale et toujours avec le monocylindre à eau.
Pas de changement sur cette bicylindre de 5 CV hormis une baisse de 10 F sr la magnéto. Il semble que les 5 et 7 CV du même type ne sont plus disponibles en version tourisme.
Déjà vue en 1906, cette 3 CV ou 3 CV 1/2 adopte la fourche à roue poussée sur biellettes. Son cadre est plus allongé afin de permettre le montage de la magnéto sur une extension boulonnée devant le carter-moteur
On revient à la 7 CV sur le modèle de course qui au passage a perdu son pédalier. De ce fait il devait s'agir d'une machine destinée à évoluer sur la piste des vélodromes dans des duels entre grosses "gamelles".
Ce catalogue de 1907 permet de voir le "support de route" qui était annoncé en 1904, mais sans illustration (ici, au repos à gauche et en position à droite). L'idée est séduisante, cependant on imagine mal comment on pourrait fixer cet appareil sur une moto où l'espace entre le boîtier du pédalier et le pneu arrière est beaucoup plus réduit que sur une bicyclette.
LA SUITE POUR BIENTÔT... MERCI DE NOUS AVOIR LU !