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La 1000 VINCENT qui devait être 'la plus rapide du monde" n'a jamais couru !

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Vincent-Black-catalogue199.jpgDans les années 50, la bataille entre les marques britanniques se livrait sur tous les circuits, vitesse ou tout-terrain, et aussi à coups de slogans publicitaires. Comme on en était aux balbutiements de ce fructueux métier qui consiste à faire acheter et encore acheter, les formulations étaient sommaires pour ne pas dire élémentaires. On a connu Norton qui fut longtemps "Innaprochable", Royal Enfield était "Construite comme un fusil" ou plutôt "un canon". Une autre était tout simplement "Incomparable" ou "Magnifique" (Matchless) tandis que Panther se contentait modestement d'être "Une mangeuse de kilomètres".

Avec sa formule "La moto de série la plus rapide du monde", Vincent place le curseur très, très haut, suite à l'exploit devenu (depuis) mondialement célèbre de Rollie Free en 1948 mais qui, à l'époque, ne remua pas spécialement les foules. L'Amérique, c'était si loin... Cependant ses 252 km/h, record pour une Vincent Black Lightning sans compresseur (ci-dessus, photo extraite du catalogue), sont encore loin des 279,5 que la BMW suralimentée de Henne avait signés en 1937. À la suite de R. Free, dont le record pour aussi spectaculaire qu'il soit n'avait rien de "mondial", les appétits s'aiguisent. Bob Berry, Noel Pope échouent dans leurs tentatives de 1949, de même que, à nouveau, R. Free (1950) qui est pourtant passé au carénage intégral.

 La Vincent semi-carénée de Vic Procter approcha du record avec 272 km/h avant de se fracasser sur la piste en Afrique du Sud (janvier 1951).  Rollie-crash-1950.jpgCe jour de 1950, Rollie" Free n'a pas dû regretter d'avoir renoncé à sa tenue fétiche : caleçon de bain et mocassins ! Néanmoins, il a à son actif un record qui semble inégalé depuis, c'est celui du plus long "traînard" à bord d'une Vincent, établi sur environ un quart de mile.

 

Afin d'encourager le retour dans l'Empire britannique de ce record de vitesse absolue sur le kilomètre lancé, l'hebdomadaire spécialisé The Motor Cycle avait offert depuis 1949 un trophée assorti d'un prix de 500 £ (à peu près le prix d'une Lightning à l'époque) qui sera doublé peu après). Reginald W. Dearden, qui allait devenir l'un des grands préparateurs de Norton Manx (un Geoff Duke ou Mike Hailwood lui doivent leurs premiers exploits), s'empressa alors d'acquérir une Lightning et de lui adapter un compresseur Shorrock. Ce volumineux "accessoire" installé avec l'aide de l'usine au-dessus de la boîte nécessita une transformation de l'arrière de la Vincent qui s'en trouva rallongée d'une quinzaine de centimètres. Ce qui n'était pas un luxe car aux essais, même avec son empattement plus grand, la roue avant avait une désagréable tendance à quitter le sol...

Reg Himself lightningReg Dearden himself mettant la dernière main à son "bébé" pour les besoins de la photo car il existe un autre document de lui plus ancien et sur lequel il avait une chevelure plus fournie... (Photo sur classicmoto-cycles.blogspot.fr mais venant probablement d'ailleurs).

À la fin de 1950, la machine est présentée à la presse et abondamment détaillée, mais il n'est toujours pas question de record. Encore moins de record mondial de vitesse puisque c'est celui-ci que vise R. Dearden. En avril 1951, coup de froid sur les ambitions britanniques lorsque NSU porte le record à 290 km/h. Loin d'être aussi "standard" que la Vincent (soupapes culbutées), la machine allemande est une bicylindre parallèle avec un double ACT commandé par arbres et un compresseur. Son moteur est semblable à ceux qui coururent en vitesse tant que la suralimentation fut autorisée par les instances internationales.

NSU-profil-Delphin-1951206.jpgLa première version de la "Delphin" lors de sa victorieuse conquête du record mondial le 12 avril 1951 sur l'autoroute Münich-Ingolstadt. Wilhelm Herz, pilote d'usine depuis l'avant-guerre chez NSU, signe le record en 500 solo et aussi en 350 solo. Herz sera de tous les records NSU battus par la suite à Bonneville en compagnie de H. P. Müller, autre "vieille" recrue de l'usine allemande.

NSU-1951-moteur-Kompress208.jpgÀ partir du moment où le compresseur fut interdit dans les Grands Prix, NSU n'avait plus rien à cacher de ses mécaniques. Photos et dessins (signés Schlenzig) furent largement diffusés dans la presse internationale, détaillant le puissant bicylindre 500. La commande des arbres à cames par arbres et pignons d'angle se retrouvera un peu plus tard lorsque l'usine de Neckarsulm sera revenue au niveau européen dans les courses de vitesse. Le compresseur logé derrière les deux cylindres ajoute encore à l'impression de puissance dégagée par ce bloc-moteur.NSU-1951-Herz-s-installe209.jpgLe pilotage d'un monstre de record demande aussi quelques qualités athlétiques, en plus d'un gros cœur...

NSU-1951-reord-auto210.jpgEn accord avec la firme Opel, le bicylindre NSU à compresseur équipa aussi un quatre roues léger qui battit des records de sa catégorie en 350 et 500, les 25 et 26 octobre 1951. Sur le km lancé, V. Opel atteignit 213 km/h en 350. Autre cylindrée, autre pilote, en 500 Lehder parcourut le kilomètre à 261,6 km/h de moyenne. 

À tous ces avantages, NSU en ajoutait un, celui du carénage "scientifique". Les Italiens avec la Gilera, les Allemands avec BMW et quelques Britanniques avaient déjà utilisé des carénages plus ou moins bien élaborés. Celui de la NSU était donc meilleur avec un moteur plus puissant ? Possible mais pas certain car en 1955, une Black Lightning sans compresseur parcourait le fameux kilomètre à 297,906. Pilotée par le Néo-Zélandais Russel Wright en solo, elle battait aussi aux mains de Robert Burns le record sidecar détenu par Bohm sur la NSU.

La dernière information publique autour de la Vincent Dearden remontait à 1953. Dearden avait alors annoncé que Leslie Graham, champion du monde des 500, piloterait sa Lightning dans une tentative de record du monde à Bonneville. Mais le Tourist Trophy Senior de cette année là fut fatal à son champion.

On ne connaîtra finalement jamais les possibilités de la Dearden Special. Délaissée, elle va passer de main en main à partir de 1970. Elle est d'abord vendue à Eric Biddle, un ami de Dearden, qui n'en fera rien et la cèdera à un Américain (1977). On la retrouve ensuite au Canada puis, dix ans plus tard chez un collectionneur texan (1987) qui la fera tourner de temps à autre, juste pour le "fun". En 2008, elle se retrouve sur le podium de ventes aux enchères, en Angleterre chez Bonham's où elle trouve acquéreur pour une somme... certaine. Elle est désormais en Europe, sur le Continent dans une bonne maison où j'ai eu le bonheur de la voir de près et de la détailler. Donc visite guidée dans un prochain article.

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