Simple et robuste, le moteur J.A.P. n'a que le défaut de nécessiter une boîte à vitesses extérieure pour bien fonctionner (spécificité très britannique...). Malgré cela, plus d'une quarantaine de marques de motos françaises l'ont eu à leur catalogue ce J.A.P. et dans de multiples cylindrées durant les décennies de l'entre-deux guerres. Certaines, et non des moindres, lui doivent leurs débuts sur la scène motocycliste. Mais toutes devaient faire appel à des fournisseurs de boîtes à vitesses assez souvent britanniques mais aussi françaises. L'entreprise des Ateliers de mécanique Georges Staub va trouver une solution originale à ce problème en créant le premier bloc-moteur J.A.P. La recette de cette réalisation franco-britannique sera simple : greffer un cylindre J.A.P. avec son cylindre (soupapes latérales) ou cylindre et culasse (distribution culbutée) sur un bas-moteur Staub. Ce dernier existe déjà à usage agricole où on l'utilise comme moteur fixe ou sur des machines autotractées. Il est alors refroidi par un ventilateur fixé latéralement et entrainé en bout de vilebrequin. D'où une culasse détachable dont les ailettes sont disposées transversalement, détail qui doit permettre de distinguer un moteur fixe.
Les documents édités par les Ets Staub sont nombreux mais rarement, sinon jamais, datés. D'où une difficulté certaine à établir une chronologie de leurs moteurs. D'où aussi l'intérêt de sources extérieures parfois inattendues. Ainsi de ces cartes postales......publicitaires assez répandues des fameux Celmar's (anagramme de Marcel, anglicisé à la mode des années 30) évoluant sur une C.P. Roléo équipée d'un Staub-JAP latéral qui pourrait être identique à celui ci-dessous.
Malgré l'inscription "Bloc Moteur" visible sur la plaque ovale fixée sur le porte-bagages de la machine des Celmar's, le Staub-JAP n'est pas un classique bloc-moteur. Il est formé d'un bloc à l'arrière duquel est pratiquée un logement destiné à recevoir la boîte à 3 vitesses. Fermée par une trappe ronde, elle reste accessible pour réparations ou changement de pignons. Cette trappe supporte le kick, le levier de commande des vitesses et le levier de commande de l'embrayage.
Accessibilité toujours, et meilleur refroidissement avec l'embrayage à l'air libre. Le bouchon à oreilles, à gauche du carter, sert au remplissage d'huile alimentant une pompe à engrenages. À côté du bouchon, un orifice permet de vérifier le niveau d'huile à l'aide d'une jauge ici à demi retirée. À l'intention des jeunes couches on précise que les chapelles cambodgiennes qui coiffent le cylindre ne sont pas des ornements "collector's". Ce sont des bouchons vissés au droit des soupapes pour faciliter leur nettoyage, voire leur dégrippage. Les ailettes qu'ils portent étaient censées aider au refroidissement du haut du cylindre.
Cette machine qui hante les réunions de motos anciennes a fait partie de la collection Moto Revue réunie par Serge Pozzoli et dispersée après son décès. Elle est équipée du Staub-J.A.P. à soupapes en tête de 350 cm3. Le changement de vitesses par tige de commande et secteur cranté au flanc du réservoir pouvait aussi se faire par un levier direct à la boîte. Levier direct et "orientable" (?) selon le catalogue Staub.
Les culbuteurs montés sur galets sont protégés sous un boîtier d'accès facile et fermé par un petit levier vissant. Le bas-moteur est exactement semblable à celui du moteur latéral. Staub fournissait la magnéto "France" d'allumage, combinée avec une dynamo d'éclairage "Marchal", ou encore soit une Dyalmo Soubitez, soit une Maglum, ces deux appareils fournissant les deux fonctions allumage et éclairage.
Bien que sur ces photos issues du document de 8 pages édité par Staub ne figure que le modèle culbuté à deux échappements, la maison fournissait le Staub-J.A.P. avec simple échappement. Aucune raison d'ordre technique à ce choix du double tube, simplement une mode des années 30...
... mode qui a bien dû chagriner le mécanicien qui travaillait à la restauration des machines de la collection Moto Revue. En effet, il aurait eu bien de la peine à trouver les deux silencieux pour cette machine car dans les années 60/70, on n'avait pas les "facilités" actuelles pour faire réaliser de telles pièces. Et c'est pourquoi, depuis ce temps cette C.P. Roléo reste en échappement libre.
Pour sa publicité, C.P. Roleo ne compte pas que sur les exhibitions des Celmar's (!) mais aussi sur des annonces de bonne taille (ici une demi-page) dans la presse spécialisée en 1929. Ses pilotes habituels - mais non exclusifs - dont le fidèle Renaud et Hémet sont mis à contribution et participent aux classiques de l'endurance. À commencer par les Six Jours d'Hiver du 22 au 27 janvier 1929, soit six allers-retours au départ de Paris en direction de Rouen puis Saint-Quentin, Soissons, Le Mans, Orléans et Dreux. Avec tours et détours "par les pays" pour allonger le kilométrage. Un sidecar C.P. Roleo y était engagé mais il n'a pas laissé de traces. En solo, Kretz a abandonné dans la 4ème étape sur chutes à répétition provoquées par des routes verglacées. Renaud échoue de même sur chute le dernier jour, à quelques kilomètres de l'arrivée !
Le 24 mars, un sidecar C.P. Roleo paraît à la Côte d'Argenteuil aux mains de Renaud qui le mène à la 3ème place en catégorie 600. Machine à la cylindrée intrigante puisque le Staub-J.A.P. des C.P. Roléo est un 350, ce qui élimine ce montage bien que la robustesse du Staub ait pu supporter un accroissement de puissance apportée par un haut-moteur de 600 J.A.P. Accroissement tout relatif : Renaud est monté à la moyenne de 65,047 km/h...
Un mois plus tard c'est le Tour de France (20 avril - 5 mai) qui rapporte la médaille d'or à Renaud et Hémet, tous deux classés ex-œquo en 350. Nouveau venu, Chéret a été forfait. Nouveau chez C.P. Roleo s'entend car Chéret est un pilote qui loue ses services à qui le paie, comme d'ailleurs beaucoup de ses collègues qui travaillent au coup par coup. La notion de "pilote d'usine" n'existe toujours pas. Si l'on revoit souvent tel ou tel sous les mêmes couleurs d'une épreuve à l'autre, il y a de fortes chances pour qu'il s'agisse d'un employé ou d'un agent de la marque en question comme on l'a vu pour C.P. Roleo dans les articles précédents.
Les derniers feux en circuits
On doit la photo ci-dessus ainsi que celles qui suivent à Daniel David que l'on remercie chaleureusement !
En endurance, l'épreuve-phare française est le Bol d'Or (18-20 mai) qui a souvent été bénéfique à C.P. Roleo. Deux de ses machines y sont engagées en catégories solo par Renaud (250) et Hémet (350). Il y a aussi une machine en sidecar 350 et c'est Chéret qui le pilote, apparemment sans passager (pratique autorisée à condition d'installer un lest dans la caisse).
Chéret, que l'on voit ici très affairé à mécaniquer sur son moteur (probablement un L.M.P.) au bord de la route du circuit de Saint-Germain, ne terminera pas la ronde des 24 heures. La presse étant muette sur sa machine comme sur lui, on ne saura rien de ce qui a provoqué son abandon.
Pourtant ce ne sont pas les curieux qui manquaient autour de son équipage, tandis que d'autres, à l'arrière-plan suivent la course, assis au bord du fossé qui sépare les stands de la route.
Le départ vient d'être donné depuis peu et la 350 C.P. Roléo Staub-JAP de Hémet (n° 44) mène devant Perrin sur une 250 Gérald.
Sur la C.P. Roléo Staub-JAP 250, Renaud en route vers la victoire de sa catégorie pourchasse la 350 Soyer de Simon. Renaud renouvelle son succès de 1927 à 63,396 km/h, battant le record avec 1521,520 km parcourus. Il est non seulement 1er des 250 mais aussi 10ème au classement général, derrière quatre 350 (dont deux Velocette ACT) et cinq 500 culbutées (Gillet d'Herstal, Rudge-Withworth, Gnome-Rhône, Saroléa, Clément-Gladiator d'Andréino).
Point de commentaires sur la prouesse de Renaud, mais un pauvre dessin de sa machine dans Moto Revue où il devenait urgent que Rebour propose ses talents !Avant la traditionnelle pause sportive du mois d'août, la saison des C.P. Roléo se poursuit par l'endurance. D'abord au réputé et difficile Circuit de l'Ain qui se dispute sous la pluie et dans le brouillard. Ce qui n'empêche pas Renaud (350 Staub-JAP) et Chéret (350 L.M.P. de terminer 1ers ex-œquo. Sur les 66 engagés, 8 pilotes seulement ont été pénalisés... Les deux C.P. Roléo avec les mêmes hommes enchaînent par le Circuit des Vosges et y obtiennent les mêmes résultats satisfaisants.
Nouvelle endurance du 27 juillet au 4 août avec Paris-Les Pyrénées-Paris en 7 étapes de 400 km en moyenne. Seul engagé sur une 350 C.P. Roléo Staub-JAP, Renaud empoche une médaille d'or en compagnie de quatre autres ex-œquos. Sur 22 participants, 10 sont arrivés à Paris. Malgré ces bonnes performances la publicité, signe de santé, ne suit pas vraiment et si l'on voit encore quelques annonces pour C.P. Roléo, elles disparaissent à la reprise après les vacances.
Un dernier coup d'éclat au Salon En 1928, la nouveauté chez C.P. Roléo résidait dans l'inattendue motorisation fournie par Staub. C'est encore grâce à Georges Staub que l'on va parler de C.P. Roléo au Salon 1929. En fait, on va en parler ainsi que de nombreuses autres marques française qui ont adopté, on n'ose pas le dire mais c'est un peu ça, qui ont adopté une mode : la transmission par arbre. Alcyon, Prester, Magda, Favor, Helyett, Dollar, Ultima, Dresch, Majestic et jusqu'à Motobécane (!) ont succombé eux aussi à cette technique qui ne sera que très fugitive, mais quel raffût à l'ouverture du Salon ! Staub a bien senti le vent et c'est l'adaptation qu'il propose qui va être abondamment utilisée par la majorité des constructeurs avant qu'on ne s'apercoive de son peu de nécessité et de son coût.. Sur la photo ci-dessus de la C.P. Roléo à moteur L.M.P. on remarque le levier de vitesses "orientable" ainsi que le kick vertical avec la "pédale" retournée vers l'intérieur.Une très belle C.P. Roléo avec moteur L.M.P. venue de la Collection ex-Chapleur est désormais exposée au Musée d'Amnéville (Photo F.-M. Dumas).
Symptôme d'un mauvais état financier - Rollet va quitter l'association vers la fin 1929, en tout cas avant janvier 1930 - C.P. Roléo propose toujours un riche catalogue dont Gérald Allemand (merci à lui), nous fait généreusement profiter ci-après :
On remarque que les lettres CP commencent à se faire discrètes au profit de "Roléo" : signe de luttes intestines au 64 de la rue de la Folie-Méricourt ? Par la suite, c'est le contraire qui se produira et il ne restera plus que les "Motocyclettes C.P.".
Le voici enfin ce moteur "L.P.L." dont précédemment j'ai mis en doute jusqu'à l'existence, supposant une erreur typographique autour du moteur L.M.P. Nul doute que quelqu'un va nous en dire plus...Le seul document tangible que j'ai pu trouver sur P. Lescanne est ce modeste placard publicitaire sur un 175 deux-temps paru en 1924 avec différents libellés. Sur l'un d'eux il est question de moteurs quatre-temps dont l'un est avec "arbre à came en dessus" et dont "la magnéto est en prise directe sur l'arbre à came". À chaque fois, le mot "came" est au singulier. Ces publicités ont paru dans "La Revue Motocycliste" (n° 60) et dans "Motocyclisme" du 2 octobre 1924, mais pas dans Moto Revue, semble-t'il.
... Où l'on retrouve le mystérieux moteur Voisin dont un visiteur a justement mis en doute la parenté avec le célèbre constructeur d'avions et d'automobiles (voir commentaire sur l'article C.P. Roleo du 20 août 2013). On n'en trouve aucune trace dans les livres qu'il a laissés en forme d'autobiographies. Il est vrai qu'il n'y mentionne pas plus le Motor Fly Voisin qu'il a pourtant bel et bien commis.
Moteur deux-temps Pauvert à admission directe dans le carter (disque rotatif). Le graissage séparé par pompe automatique était encore un vrai luxe pour l'époque ! (Photo F.-M. Dumas)
Toujours le moteur Voisin à soupapes latérales, ici en 350 cm3. Pour la culasse "Ricardo", se reporter à l'article du 20 août 2013.
Ci-dessus et ci-dessous, l'une des premières sorties publiques d'une machine de la collection Moto Revue lors du premier (?) Salon Automédon organisé quelque part sous le CNIT de La Défense en 1984.
Il s'agit de la même machine que celle photographiée en couleur plus avant dans cet article. Elle n'a pas évolué depuis 30 ans...
(À suivre, encore !)
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