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Café Racer à la française (2)

EXCUSES ET UNE RÉPONSE POUR COMMENCER. Des excuses à moto-collection.org (entre nous, on peut même dire à François-Maris Dumas) dont j'ai omis de signaler aux amateurs qu'ils peuvent tout savoir sur les motos Nougier grâce au livre "Motos Nougier", véritable bible sur le sujet.

Achetez cet ouvrage que vos héritiers liront dans les siècles et les siècles à venir. Ils vous béniront alors qu'ils n'auront plus qu'un téléphone périmé pour s'instruire ! Rendez vous sur moto-collection.org pour savoir comment vous le procurer.

LA RÉPONSE est pour "PHALIP" qui, dans son commentaire sur le premier article du Café Racer à la française (27 juin), s'indignait du sort fait à la forêt qui garnit l'intérieur de l'autodrome. Qui GARNISSAIT devrait-on dire tant le spectacle est désolant aujourd'hui. À l'aide de Google Earth, voici Montlhéry AVANT et Montlhéry APRÈS où j'ai figuré - approximativement ce qui a été abattu. En gros, plus de la moitié de cette verdure dont il ne subsiste rien sauf, par endroit, d'énormes souches oubliées ou trop grosses pour être déplacées.

Grâce à un drone, l'Épingle du Fay comme vous ne l'avez jamais vue. En vert clair, en haut, la partie "déboisée" à l'intérieur de l'anneau (Photo piquée sur le net)

Il se trouve que le samedi du Festival, j'ai fait, à pied, le chemin empierré qui longe l'intérieur de l'anneau, en partant du bout de la ligne des stands jusqu'au niveau de la chicane nord. Mort de soif, j'ai dû couper en direction du "1924". Il paraît que ce vilain travail est destiné à créer de nouvelles pistes d'essais pour les futures voitures autonomes (?!). Prochaine décor d'ici une vingtaine d'années : un pot symbolique avec un bonsaï de chêne installé sur le toit du "1924" dominant un désert bitumé. En plastique le bonsaï... Ben quoi, il faut respecter la nature, non ?

JONGHI, JEANNIN ET LE "COUREUR-PAYEUR"

Dans un numéro de 1991 du mensuel Moto Légende, on trouve un article qui aurait dû remuer dans les chaumières. Il n'en fut rien, pas plus qu'une autre publication sur le même sujet parue dans le défunt Motocyclettiste remontant, elle, à 1977 et pourtant... ! Pourtant ces interviews de Louis Jeannin révélaient un scandale du motocyclisme français des années 30 : le "Fonds de Course" de 1938 avec son chèque pharamineux de 150 000 francs (7 715 000 euros !!!). Cet argent avait été réuni en 1938 à l'initiative de l'Automobile Club de France dans le but de construire "une ou plusieurs motos susceptibles de faire triompher nos couleurs dans les grandes compétitions internationales" (L'A.C.F. était l'autorité de tutelle de l'Union Motocycliste de France). La prime irait à la machine française qui couvrirait 20 tours du 6,283 km de Montlhéry à la moyenne du meilleur tour signé au G.P. de France 1938, la cylindrée étant au choix du concurrent 250, 350 ou 500.

 En juillet 1934, Louis "Kiki" Jeannin (il ne pèse que 61 kg !) sur la Jonghi 250 double ACT en compagnie de Giuseppe Remondini, créateur de la prodigieuse machine. Le record de l'heure vient d'être battu à plus de 158 km de moyenne malgré une panne de carburant (essence/alcool) à 400 m. de l'arrivée, obligeant Jeannin à finir en poussant sa moto ! Moto Revue consacrera 15 lignes à ce record !

Jonghi - devenu Prester/Jonghi en 1935 après le rachat par les frères Adolphe et René Eichel, propriétaires de Prester - se mit sur les rangs. Le palmarès de la marque, acquis par les talents de l'ingénieur Remondini et ceux de Jeannin, pilote-metteur au point, était une bonne carte de visite. Jeannin était naturellement le meilleur concurrent à présenter dans l'épreuve. Rectification : aurait été le meilleur, car en 1935, Jeannin ne sera plus chez Prester-Jonghi. Ni ailleurs.

 Sur le modèle de la quart-de-litre, Remondini a construit une 350 double ACT. La distribution est commandée par une cascade de pignons. Un seul pignon supplémentaire permet de distinguer les deux cylindrées. 

La rupture s'est produite en 1935 à la veille d'une tentative de record de l'heure en 350 détenu par Motosacoche à 167,800 km/h. Jeannin s'est rendu chez ses patrons, comme il le raconte : "Les Eichel, je leur avais tout gagné : Championnat de France (ndlr 1932 et 1935), Bol d'or (1932), Grand prix d'Europe (1932) et je ne recevais rien ! Tout l'argent de mon contrat avec Mobiloil passait dans la préparation des motos. J'ai osé le dire aux frères, j'ai osé leur demander une prime de 1000 F. Ils m'ont ri au nez en m'expliquant qu'un autre pilote, lui, les payait pour faire cette tentative ! Je me suis levé écœuré et je suis parti ! L'après-midi ce "pilote-mystère" fut incapable de battre le record. Je ne crois pas être trop prétentieux en affirmant que j'étais l'homme de la situation, j'étais un vrai "pistard". Ils ont été déçus d'échouer à la veille de l'ouverture du salon de la moto ; mais moi j'étais viré. Le malheur, c'est que je n'ai jamais pu retrouver un guidon : Dion, le chef du service course chez Terrot me l'a dit "On s'est entendus entre constructeurs, personne ne vous prendra dans son équipe". J'étais atterré, mais il doit y avoir une justice immanente. Le coureur en question - je tairai son nom - est parvenu quelque temps plus tard à battre le fameux record, à 168 km/h, soit à peine plus que Marchand. Et quelques heures après, Guthrie sur Norton l'a porté à 174. Le record de Jonghi n'a même pas été homologué".

La 350 Jonghi double ACT présente à Montlhéry au Café Racer Festival, telle que restaurée/reconstruite par Jean Nougier. Selon F.-M. Dumas, qui le relate dans son livre, ce dernier lui aurait dit du moteur qu'il était "Un peu trop Vincent et compliqué pour le plaisir". La référence à l'une des icônes mondiales de la moto situe à quel haut niveau se plaçait "l'avis critique" du mécanicien de St-Andiol.(Photo Moto-collection.org)

Pas rancunier et pas plus que dans le Motocyclettiste ou dans Moto Légende Louis Jeannin ne donne le nom du "pilote-payeur". Par simple déduction, il est facile de mettre un visage sur ce coureur, celui de Georges Monneret qu'on retrouve dans l'épilogue du "Fonds de course". Le G.P. de France n'ayant pas été disputé, les moyennes choisies furent celles du G.P. de 1937. Pour la catégorie 250, ce sera le meilleur tour de Loyer sur Jonghi. Le 25 octobre 1938, la Jonghi sur laquelle Jeannin a passé tant d'heures de travail pour la rendre digne des meilleures réalisations étrangères, se présente vers midi à Montlhéry aux mains de Monneret. Les tours commencent à se succéder à une moyenne de 115 km/h jusqu'au 12e qui tombe à 113 ! L'épingle du Faye a été fatal au champion qui perd une poignée de secondes à se remettre en selle, guidon et repose-pied droit tordus. La moyenne générale en a pris un coup et passe de 115 à 102, mais Georges s'accroche et refait une partie de son retard. Au terme du 20e et dernier tour il est à 113,788, le record est battu !

Battu, mais de si peu que Louis Jeannin, dans une lettre à Moto Revue en février 1939, ne put s'empêcher de signaler que "En 1935, aux Grands Prix de France, sur la même Prester-Jonghi, j'ai fait mon meilleur tour à 116,472 km/h. Ainsi, en 1938, pour faire progresser la machine de course française, on se base sur un temps très largement dépassé trois ans plus tôt". Monneret répliqua en proposant à Jeannin - retiré de la compétition depuis quatre ans - un mano a mano sur le circuit de Montlhéry. L'affaire en resta là. Mais un détour du destin a vengé Jeannin : Monneret n'empochera jamais les 150 000 francs du "Fonds de course" volatilisés dans la faillite de Prester !

Louis Jeannin est retourné à son travail de mécanicien et on le retrouvera après la guerre en premier importateur de Jawa. Marque dont il choisira une 350 pour courir le Bol d'or, qu'il terminera à la 14e place, victime d'un embiellage défaillant à partir de la 18e heure. Il était alors 3e au classement général !

De Remondini, on connaît la suite de sa carrière. Toujours chez Jonghi il créera la seule 125 arbre à cames en tête de série de la construction française d'après guerre. Il signera aussi le Polo, hybride de moto-scooter préfigurant nos "maxis" à roues grandes ou moyennes. C'était la concrétisation d'une idée qu'il allait développer en 1957 dans la revue Le Cycle avec l'aide de la plume de Daniel Rebour (ci-dessous).  

Le titre de l'article était : "LA MOTO DE DEMAIN - Qui ne sera probablement pas française". On ne fait pas plus visionnaire... Hélas !

Le mot de la fin à Frank Margerin...

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R
excellente page , merci
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R
excellente page ! merci
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